Planète terre : Les chiffres de la honte

Planète terre : Les chiffres de la honte 938 400 René Naba

Femmes entre excision et mariage forcé

Près de 700 millions de femmes ont été victimes de mariage forcé et 140 millions de jeunes filles victimes de mutilation génitale. Selon le Girl Summit 2014 tenu le 21-22 juillet à Londres sous le patronage de l’Unicef, plus d’une mariée forcée sur trois, soit 250 millions, l’a été alors qu’elle n’avait pas 15 ans. Du viol légalisé par la coutume en somme. Telle est la conclusion du premier sommet sur la condition féminine tenue à l’initiative de l’INICEF.
Ce phénomène ne concerne pas exclusivement les pays du quart-monde sous développé, mais également certains des hauts lieux de la diplomatie internationale, telle la Suisse, où le nombre des mariages forcés recensés s’est élevé à 17.000 par an, soit en moyenne 4 mariages forcés par jour.

L’Excision

Selon l’UNICEF, près de 125 millions de filles et de femmes en vie en Afrique ont été victimes d’une mutilation génitale féminine. Liée à l’appartenance ethnique, l’excision est le plus souvent justifiée par des raisons d’acceptation sociale. Les données épidémiologiques montrent une baisse continue de cette pratique en Afrique, avec toutefois des tendances différenciées selon les pays. L’accès à des données de plus en plus précises facilitant les évaluations et la mise en œuvre de stratégies plus efficaces explique en partie ce recul.

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Affiche du sommet Girl Summit 2014 organisé à Londres conjointement avec l’UNICEF

Toujours selon l’UNICEF, cette pratique a commencé à reculer dans de nombreux pays africains il y a près de quarante ou cinquante ans. D’autres, ont connu une première baisse il y a seulement une vingtaine d’années.

Ainsi, des reculs significatifs ont été enregistrés pour le Togo, le Burkina Faso, l’Ethiopie, le Kenya, la Tanzanie, le Bénin, le Libéria, le Nigéria. En revanche, il semblerait que les progrès soient pour le moment encore peu significatifs pour Djibouti, la Gambie, la Guinée Bissau, le Mali, le Sénégal, la Somalie, le Soudan, le Tchad et le Yémen.

Des ravages sur la santé

En Afrique chaque année, près de 3 millions de jeunes filles sont exposées à des risques parfois mortels dus à l’excision. Encore très courante dans toute l’Afrique subsaharienne, cette pratique a des impacts alarmants sur la santé des femmes et des nourrissons. Pourtant, de plus en plus, les mentalités progressent, lentement mais surement.
Au Mali, l’excision causerait la mort de 7000 à 11 000 nouveaux nés par an dans le pays. Les complications induites sur la santé des filles et des mères sont également extrêmement lourdes.

L’excision demeure un problème de santé publique grave auquel les autorités doivent s’atteler sans tarder. Selon la nomenclature de l’OMS les mutilations génitales féminines observées au Mali sont classées en trois catégories :

  • la mutilation de type I fait référence à l’ablation du prépuce, avec ou sans excision partielle ou totale du clitoris ;
  • la mutilation de type II recouvre l’excision du clitoris, avec excision partielle ou totale des petites lèvres ;
  • la mutilation de type III enfin correspond à une excision partielle ou totale des organes génitaux externes et à une suture ou au rétrécissement de l’orifice vaginal (infibulation).

Quel que soit le type de mutilation pratiqué l’excision a de nombreuses conséquences néfastes sur la santé publique. Nous pouvons notamment citer :

  • l’hémorragie grave, consécutive à l’intervention elle–même, aboutissant dans certains cas au décès de la victime.
  • les infections urinaires, les cicatrices chéloïdes, la dyspareunie, les fistules vésico-vaginales, la frigidité.
  • les complications au moment des accouchements, avec les déchirures  périnéales,  les accouchements difficiles engendrant dans certains cas la mort de l’enfant ou de la mère, et dans le pire des cas des deux. Enfin les hémorragies qui interviennent dans les mois qui suivent l’accouchement.

En 2006 la revue médicale The Lancet publiait une étude de l’OMS, conduite entre 2001 et 2003 dans six pays africains. La situation du groupe étudié portait sur 28 393 femmes observées dans 28 centres de soins obstétricaux de pays où la mutilation génitale féminine est courante : Burkina Faso, Ghana, Kenya, Nigéria, Sénégal et Soudan. Chez les femmes qui ont subi la forme la plus extrême de mutilation (« Mutilation Génitale Féminine », « MGF III »), le risque de césarienne est en moyenne de 30 % supérieur par rapport à celui des femmes qui n’ont subi aucune mutilation.
De même, le risque d’hémorragie post-natale est de 70 % plus élevé chez les femmes les plus gravement mutilées. Cette MGF fait courir un risque important aux bébés lors de l’accouchement. Les enfants dont la mère a subi une mutilation ont plus souvent besoin d’être réanimés (le taux est de 66 % plus élevé chez les enfants des femmes ayant subi une mutilation de type III).
De même, le taux de mortalité de ces nourrissons, pendant et immédiatement après l’accouchement, est beaucoup plus élevé lorsque la mère a subi une mutilation génitale féminine : la surmortalité est de 15 % dans le cas des mutilations de type I, de 32 % dans le cas des mutilations de type II et de 55 % dans le cas des mutilations de type III. Sur 1 000 accouchements de 10 à 20 enfants meurent en raison de cette seule pratique.
Au Mali, on estime à 728 000 le nombre de naissances par an. Sur la base des chiffres précités, les décès d’enfants provoqués par la pratique de la MGF sont estimés à 7 000-11 000 décès. Ce chiffre effrayant est à comparer au nombre des décès ayant pour origine le VIH/Sida, 6.000 morts selon l’ONU, toujours au Mali…

Une richesse obscène

Autre situation hautement scandaleuse : La richesse obscène. Les 85 personnes les plus riches du monde possèdent autant d’argent que la moitié de la planète, ou plus exactement, les trois milliards et demi de personnes les plus pauvres.
C’est le message du rapport « Working for the Few », publié par l’organisation caritative Oxfam, spécialisée dans les initiatives de développement, qui décrit l’écart grandissant entre les plus riches et les pauvres. Selon Oxfam, la croissance rapide des fortunes des super-riches menace le progrès continu de l’humanité.

Oxfam a calculé qu’en 2013, 210 personnes sont devenues milliardaires en dollars, rejoignant un groupe de 1426 individus détenant une fortune globale de 5.400 milliards de dollars. En Inde, le nombre de milliardaires a décuplé, passant de 6 à 61 au cours de la dernière décennie. En outre, 12 millions de personnes sont millionnaires en dollars dans le monde. Les chiffres montrent que le groupe des 1% de personnes les plus riches de la planète a accumulé une fortune de 110.000 milliards de dollars, ce qui représente 65 fois la richesse totale de la moitié la plus pauvre du monde.

[blockquote author= » Winnie Byanyima – Directrice Générale d’Oxfam  » pull= »pullleft »]« Il est effrayant qu’au XXIe siècle, la moitié de la population mondiale, c’est-à-dire 3,5 milliards de personnes ne possède pas plus qu’une élite minuscule qui pourrait voyager confortablement dans un bus à impériale. Dans trop de pays, la croissance économique ne se résume à guère plus qu’à un système d’aubaine pour les plus riches du genre  » le gagnant rafle tout – The winner take all  » »[/blockquote]

« Sans un effort concerté pour s’attaquer aux inégalités, la cascade de privilèges et de désavantages va se perpétuer sur les générations suivantes », a poursuivi Byanyima.

Le rapport souligne que les citoyens de la plupart des pays sont conscients que les inégalités ont augmenté. Au cours d’enquêtes que l’organisation a réalisées, il est même apparu que la majorité des gens pensait que les lois sont établies dans l’intérêt des plus riches.
Au Brésil, par exemple, 7 personnes sur 10 partagent l’opinion que « les riches ont trop d’influence sur la gouvernance de ce pays ».
Le rapport indique également que depuis la fin des années 1970, les taux d’imposition pour les plus riches ont été abaissés dans 29 des 30 pays examinés. « Les riches ont saisi des opportunités aux dépends des pauvres et cela a contribué à créer une situation dans laquelle 7 personnes sur 10 dans le monde vivent dans des pays où les inégalités ont augmenté depuis les années 1980 », indique le rapport.

Des chiffres consternants. Cela se passe dans la 2e décennie du XXI me siècle.

Illustrations
  1. Manifestation anti-G8 au Havre le 21/05/11, précédent le sommet du G8 à Deauville. http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Manifestation_anti-G8_au_Havre_-_21_mai_2011_-_025_v1.jpg
  2. Affiche du sommet « Girl Summit 2014 ». https://www.gov.uk/government/topical-events/girl-summit-2014

René Naba

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l'AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l'information, membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme et de l'Association d'amitié euro-arabe. Auteur de "L'Arabie saoudite, un royaume des ténèbres" (Golias), "Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français" (Harmattan), "Hariri, de père en fils, hommes d'affaires, premiers ministres (Harmattan), "Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David" (Bachari), "Média et Démocratie, la captation de l'imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l'Association d'amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Editorialiste Radio Galère 88.4 FM Marseille Emissions Harragas, tous les jeudis 16-16H30, émission briseuse de tabous. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.

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