Le Mouvement islamique «Ahrar Al Sham» : Les hommes libres du Levant

Le Mouvement islamique «Ahrar Al Sham» : Les hommes libres du Levant 938 400 La Rédaction
sihr

Scandinavian Institute for Human Rights

Scandinavian Institute for Human Rights

Une étude interne de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR)

sur Le Mouvement islamique «Ahrar Al Sham» «Les hommes libres du Levant).

Adaptation en version française par René Naba,

directeur du site www.madaniya.info

Pour le locuteur arabophone, la version arabe est située en fin de texte

Note de la Rédaction
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Pancarte à l’entrée de la zone contrôlée par le mouvement Ahrar Al Sham : «La démocratie relève de l’idolâtrie» – Ahrar Al Sham-

Ahrar Al Sham, le groupe axial du Front Islamique et l’allié privilégié du mouvement Jabhat An Nosra, la filiale syrienne d’Al Qaida, figure sur la liste des groupements sélectionnés par l’Arabie Saoudite pour constituer la délégation de l’opposition syrienne pro-wahhabite en vue des pourparlers de paix avec le régime baasiste.

Retour sur de groupement qui figure dans une délégation qui doit théoriquement négocier l’avenir de la Syrie, qui se doit d’être, selon le mandat de la Conférence de Vienne (Novembre 2015) un état «laïc et démocratique».

Ahrar Al Sham s’est distingué par une action d’éclat lors de la conférence de l’opposition syrienne pro-monarchiste de Riyad le 13 décembre 2015, se livrant à une valse hésitation en souscrivant à la séance à huis clos au document final avant de se rétracter publiquement en signe de protestation contre l’absence de mention du «peuple musulman de Syrie», gommant d’un trait les composantes de la mosaïque humaine syrienne, présente dans le pays depuis des millénaires (Sunnites, Alaouites, Chrétiens, Arabes, Kurdes etc..).

Rapport de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme

I – Le Mouvement islamique Ahrar Al Sham: Les réseaux de liaisons et de ruptures.

Le Mouvement Islamique Ahrar Al Sham est sans doute l’un des mouvements les plus mystérieux et secrets de la galaxie djihadiste, au point de payer un lourd tribut à sa clandestinité avec l’élimination de ses principaux dirigeants, dont son fondateur et Émir, Hassan Abboud (Abou Abdallah Al Hamawi).

Ascétique sur le plan de la vie matérielle et financière, pleinement engagé dans le fonctionnement de son organisation, Hassan Abboud se distinguait de ses collègues à la prison militaire de Saydnayah (périphérie de Damas) par la singularité de sa pensée intellectuelle.

Selon le témoignage d’un de ses compagnons de détention -qui est demeuré en contact avec lui jusqu’à la veille de l’opération qui lui a coûté la vie, «Abou Abdallah» possédait une culture salafiste djihadiste, doublée d’un esprit d’organisation.

Il était animé d’un sentiment de supériorité à l’égard de ses collègues qui l’habilitait à servir de guide à ce courant, le prescripteur de sa ligne politique, le maître d’œuvre de ses opérations militaires».

Son commentaire sur les rapports entre Ahrar Al Sham, Jabhat An Nosra, Abou Bakr Al Baghdadi et l’Armée Syrienne Libre (ASL) demeure dans les mémoires :

«Nous nous sommes organisés avant ce qu’il est convenu d’appeler l’Armée Syrienne libre; Nous avons engagé le djihad avec Al Qaida; l’ASL est sous les ordres de deux centres de commandement, l’un à l’échelon international, l’autre au niveau régional. Jabhat An Nosra a été mise sur pied sur les instructions de Baghadi. Elle a fait scission pour rallier Zawahiri, le successeur d’Oussama Ben Laden, à la tête d’Al Qaida. Nous, nous bénéficions de l’allégeance des peuples du Levant et de leurs sympathisants des divers coins de la planète. Nous, n’avons besoin d’aucun parapluie protecteur».

Ce mépris affiché à l’égard des autres groupements a conduit Al Qaida, par précaution, à mandater nombre de ses cadres à s’incruster dans Ahrar Al Sham. Il a réussi dans cette approche en dépit du fait qu’onze des plus importants dirigeants de ce dernier mouvement aient été tués, notamment :

  1. Hassan Abboud, le chef du mouvement,
  2. Mohieddine Al Shami, son adjoint
  3. Abou Ayman Ben Hamdane, le chef militaire du mouvement
  4. Abou Yazan Al Shami
  5. Abou Tahhan Al Makhzoumi
  6. Abou Abdel Malek Al Charq
  7. Abou Hani,
  8. Abou Ayman Al Hamawi,
  9. Abou Youssef Bench
  10. Talal Al Ahmad Tamam
  11. Abou Zoubeir Al Hamad
II- Le rôle pivot des Saoudiens au sein d’Ahrar Al Sham

Al Qaida a même autorisé d’autres groupements de tendance proche des Frères Musulmans et d’autres proches de la Turquie à disposer d’une forte présence dans l’organigramme d’Ahrar Al Sham. Mais cette présence étrangère dans la hiérarchie du commandement n’a pas modifié pour autant la nature de la relation d’Ahrar Al Sham avec les Syriens.

Les estimations internes au groupement évaluent à 800 le nombre de Saoudiens opérant sous la bannière d’Ahrar Al Sham, avant que Jabhat An Nosra et Da’ech ne lui ravissent la vedette, conduisant près de 50 pour cent des Saoudiens à déserter ses rangs au profit des deux autres organisations.

Ahrar Al Sham est l’un des rares groupements à avoir ouvert très tôt ses bras aux combattants étrangers, dès les premiers mois du soulèvement syrien, bien avant Jabhat An Nosra et Da’ech. La présence saoudienne a été entourée du plus grand secret afin que leur identité ne doit pas révélée. L’identité des combattants étrangers n’est révélée qu’ leur décès.

La mission des Saoudiens ne se limite pas au domaine de l’entraînement et de l’orientation, comme certains se plaisent à le croire. Ils occupent des positions de commandement, notamment sur le plan militaire, judiciaire et législatif et font preuve d’un très grand volontarisme dans les missions d’immersion derrière les lignes ennemies et les opérations suicides.

A- Cheikh Osmane Al Nazeh, Al Bitar Al Najdi, Abou Mansour Al Jazrawi et Obeida Al Jazrawi.

L’un des plus célèbres saoudiens d’Ahrar Al Sham est Cheikh Osmane Al Nazeh, en charge de l’enseignement. Ayant rompu avec Ahrar Al Sham, il a rallié Da’ech et a trouvé la mort dans la bataille d’Ein Al Arab (Kobbané).

Parmi les autres saoudiens célèbres d’Ahrar figurent Mahmoud Al Jazrawi, jurisconsulte de la ville d’A’zaz (Nord-Alep), Abou Mansour Al Jazrawi, responsable militaire de Hadarat (Nord-Alep), de même que Abdallah Al Najdi qui occupe un poste important dans le domaine de l’interprétation de la Charia.

Le saoudien Al Bitar Al Najdi est considéré comme un des saoudiens les plus importants responsables d’Ahrar Al Sham, très actif sur les réseaux sociaux notamment twitter, de même qu’Abou Obeida Al Jazrawi, haut responsable dans le domaine de l’information, de la législation et de l’interprétation de la jurisprudence.

Cheikh Mosleh Al Alayni voue une très grande proximité à Ahrar Al Sham quoi qu’il s’en défende, se présentant comme «indépendant de toutes les factions». Il est pourtant apparu sur une vidéo exhortant les combattants d’ Ahrar Al Sham en prélude aux bombardements des civils de Lattaquieh à l’aide de missiles.

B – Cheikh Abdallah Al Mouheyssine et les camps d’entraînement des Saoudiens en Syrie.

Les plus importants camps d’entraînement des combattants saoudiens se situent à «Akkedi Al Azm» (Les Déterminés), à la périphérie nord de Homs, où les sessions intensives d »entraînement militaires sont couplés avec de cours de Charia, identiques aux cycles de formation de Da’ech et de Jabhat An Nosra.

Le cheikh saoudien Abdallah Al Mouheyssine est à l’origine de l’aménagement de trois camps d’entraînement et d’endoctrinement à l’intention des combattants étrangers: Al Farouk», «Al Bitar» et «Al Ghorba».

Ahrar Al Sham a emprunté à Al Qaida l’usage concernant l’attribution de pseudonyme aux combattants saoudiens, en leur affectant des noms faisant référence à leur origine géographiques «Al Najdi», originaire de la province du Najd, dans une démarche qui révèle leur refus de reconnaître la légitimité du pouvoir d’Al Saoud et de reconnaître la décision de la dynastie wahhabite de donner son propre nom au Royaume;

En 2015, des dizaines de combattants saoudiens d’Ahrar Al Sham ont été tués dans les batailles que ce mouvement a livrées. Parmi les plus célèbres tués saoudiens figurent:

  • Mohammad Al Toueydjiri, responsable militaire de la périphérie d’Idlib et chef du bataillon «Les petits fils d’Ali»
  • Abdel Rahman Al Khodeir (alias Abou Badr Al Najdi), tué à la bataille d’Al Fouh’a.
  • Ibrahim Al Yahya (Abou Saleh Al Najdi), un des jurisconsultes des bataillons «Les petits fils d’Ali», tué dans le sud d’Idlib.
  • Abou Hamza Al Najdi (de son vrai nom Hani Abdel Kawi Al Lahham), un des responsables du bataillon «Al Forqane».
  • Abu Mouss’aab Al Jazrawi (de son vrai nom Khaled Al Barki) tué dans une opération suicide sur le barrage Al Sourmaniyeh
  • Abou Assyl Al Jazrawi, tué par Jabhat An Nosra dans le secteur d’Idblib à la suite d’une rixe sur un barrage.

Bien mieux: Ahrar Al Sham est en charge de la préparation des commandos suicide et du conditionnement des candidats, y compris ceux appartenant à d’autres groupements. Cela a été le cas d’Eid Al Oteibi (alias Abou Salem Al Zouki). Affilié à Jabhat An Nosra, c’est néanmoins Ahrar Al Sham qui avait équipé d’explosifs son véhicule, réglant même l’achat de la voiture. L’homme s’est livré à son opération suicide dans la plaine d’Al Ghab dans la périphérie de Damas, en Avril 2015.

III – Le FRONT ISLAMIQUE (observations à propos de ce front).

Robert Ford, ancien ambassadeur des États Unis à Damas, en charge du dossier syrien au département d’état, s’est rendu d’Istanbul à Antioche pour rencontrer spécialement le «Front Islamique» peu de temps après la formation de cette coalition. Cette rencontre préalable avec certains des principaux dirigeants des groupements, préludant à une rencontre officielle avec le Front, a duré plusieurs heures.

Le succès enregistré sur le plan politique et médiatique par le Front islamique, sans pareil parmi les autres groupements opérant sur le champ de bataille de Syrie, est à la mesure de la déconfiture de l’Armée Syrienne Libre, concomitante de l’éclipse se l’armée libre, malgré les efforts incessants des puissances régionales et internationales pour maintenir à flot l’ASL en vue d’en faire le représentant et chef du combat armée contre le régime syrien.

En fait, l’État-major de l’ASL veillait à tenir des propos agréables aux oreilles des «pays amis de la Syrie», mais se retrouvait devant le fait accompli à chacune des opérations conjointes qu’elle menait d’abord avec Jabhat An Nosra, ensuite avec Da’ech.

L’ALS s’est contentée de faire transiter les armes d’une manière directe ou indirecte aux extrémistes, via les formations d’un membre de son État major, comme ce fut le cas à Alep, Idlib, Al Jazira, à Deir Ez Zor, Raqqa, à la périphérie de Hama et du nord de Lattaquieh, enfin d’Al Qalmoun.

L’État-major n’a pu résister longtemps devant la montée en puissance des groupements islamistes pour la simple raison qu’ils constituaient en fait, -de par leur structure et leur orientation salafiste proche de la tendance des Frères Musulmans-, le socle même de l’ALS.

Les services de renseignements du Qatar et de l’Arabie saoudite ont entrepris alors une 3eme opération de synchronisation et de coordination des forces relevant du salafisme djihadiste, après l’échec des deux précédente expériences.

Le FRONT ISLAMIQUE SYRIEN comprenant Ahrar Al Sham, Ansar Al Sham et Liwa Al Haq (division du Droit).

Le FRONT ISLAMIQUE DE SYRIE comprenant Jaych Al Islam, Souqqour Al Sham (les faucons du Levant) et Liwa At Tawhid (division de l’unification).

Le FRONT ISLAMIQUE (dans sa 3me version), s’est constitué le 22 Novembre 2013 par la jonction de huit groupements de deux coalitions islamistes:

  • Ahrar Al Sham
  • Ansar Al Sham
  • Jaych Al Islam
  • Liwa At Tawhid (Division de l’unification)
  • Liwa Al Haq (Division du droit)
  • Souqqour Al Sham (Les Faucons du Levant)
  • Le Front Islamique Kurde
  • Le mouvement Al Fajr (L’Aube).

La fusion des deux Fronts a débuché sur la mainmise du Front Islamique de Syrie sur le Front Islamique de Libération de Syrie. Par sa structure et son contenu idéologique, le nouveau FRONT ISLAMIQUE était plus proche du Front Islamique de Syrie.

Ahrar Al Sham a constitué la colonne vertébrale et le maître d’œuvre de la mise sur pied du Front Islamique Syrien, fondé le 22 décembre 2012. Ce nouveau front était animé de la même mission d’Ahrar Al Sham, la mention «Syrie» en moins, mais en y supprimant l’appartenance nationale syrienne, le Front s’est ainsi substitué à l’ancien Front islamique de Syrie.

Cette évolution sémantique masque en fait les ambitions régionales voire internationales du Front Islamique concernant son objectif à propos du califat et du combat contre les tyrans.

Le Front Islamique a conservé le même mot d’ordre que le Front Islamique Syrien, lequel l’avait déjà emprunté à Ahrar Al Sham. De surcroît, l’émir d’Ahrar Al Sham, Hassan Abboud (alias Abdallah Al Hamawi) a occupé le poste de vice-président du Front Islamique, alors que le Mufti d’Ahrar Al Sham, Abou Al Abbas Al Shami, auparavant Mufti du Front Islamique Syrien, a été reconduit dans ses fonctions au sein de la nouvelle coalition, jusqu’en septembre 2014.

Ahrar Al Sham ne cache pas son appartenance au courant salafiste djihadiste et son rejet de toute législation en contradiction avec la Charia islamique, telle que la Démocratie, le principe des élections et l’institution parlementaire.

Ce qui implique que le Mufti Général dispose de la haute main sur l’encadrement du nouveau Front Islamique selon une conception salafiste djihadiste, d’autant plus que le pacte du Front Islamique proclamait clairement son refus de la démocratie, de la citoyenneté et de la Laïcité., de même que le fait d’assigner à son groupement un objectif suprême: L’édification d’un État Islamique fonctionnant selon la Charia.

La prépondérance idéologique d’Ahrar al Sham a été favorisée par l’absence d’une vision idéologique claire des autres formations de la coalition, dont leurs positionnement évoluait au gré des événements, en fonction des circonstances.

Zahrane Allouche

Zahrane Allouche, chef de Jaych Al Islam (l’Armée de l’Islam) avait adhéré en Août 2014 au pacte spécifiant clairement son objectif l’édification d’un «Califat islamique empreint de sagesse».

Liwa Al Islam (La division de l’Islam) a constitué la colonne vertébrale de cette coalition jusqu’à la constitution d’une «Armée de l’Islam» sous l’autorité de Zahrane Alllouche. Le chef de cette armée alternera les proclamations contradictoires: Son objectif d’édifier «un état fondé sur la justice» ainsi qu’un «État islamique se distinguant du califat». Il se rétractera concernant son objectif de revendiquer l’édification d’un «Califat islamique», à tout le moins a mis une sourdine à cette revendication.

Quant au chef des LIWA Souqqour Al Sham (les Faucons du Levant), Ahmad Abou Issa Al Cheikh, il préconisait au début de la révolution syrienne, l’édification d’un «État civique porteur de valeurs de démocratie et d’égalité et ne s’opposait pas à l’attribution de portefeuilles ministériels à un CHRETIEN», comme en témoigne une vidéo qui a fuité sur la toile sur des propos qu’il a tenus devant une assemblée de ses partisans.

Lors de la mise sur pied du Front Islamique, Abou Issa Al Cheikh s’est rétracté complètement de ses prises de position antérieures justifiant son revirement d’une curieuse façon tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, Abou Issa a emprunté un curieux procédé: une mise au point par twitter. Sur le fond, son argumentaire ne manquait pas d’originalité: «En ce qui la vidéo, les semeurs de division doivent se rendre compte deux ans après sa production, des étapes franchies depuis cette période. Nous pouvons dire une chose aujourd’hui, puis nous rétracter le lendemain. Il a clos son propos en annonçant l’adhésion de son mouvement à Ahrar Al Sham.

Il a en été de même avec Liwa At Tawhid (Division de l’Unification). 3eme composante du Front Islamique de Syrie, le responsable du mouvement a abreuvé le monde de propos sur la démocratie et l’état laïc. Des discours animés d’un souffle révolutionnaire au point que bon nombre d’observateurs considéraient que Liwa At Tawhid était le bras armé des Frères Musulmans de Syrie.

En fait Liwa At Tawhid n’avait pas de précédentes appartenances quand bien même il avait réussi à attirer des Frères Musulmans et des salafistes.

Un fait révélateur toutefois: le chef législatif de Jabhat An Nosra, Aba Maria Al Qahtani, a juré trois fois sur un tweet assurant que «le chef du Liwa At Tawhid, Abdel Kader Saleh, lui avait révélé avant d’être tué que l’objectif de son groupement était l’édification d’un califat», alors que ce responsable s’était bien gardé de révéler ses intentions auparavant.

IV- La charte du Front Islamique: La gouvernance de Dieu (Hakimyat Allah)

Le Front Islamique a définitivement tranché la question de sa filiation idéologique en décrétant dans l’article 1 de sa charte «le principe de la gouvernance de Dieu», caractéristique d’un acte de foi majeur du courant salafiste djihadiste.

Le Front Islamique va même jusqu’à spécifier que son objectif vise à l’édification d’un État islamique dont la souveraineté relèvera exclusivement de la Loi de Dieu, en tant que référence d’un gouvernement juste, régissant les individus, la société et l’État.

Une proclamation de foi confirmée par l’adoption d’un «Pacte d’allégeance et de sauf conduit». Ce document souligne que l’état doit être fondé «sur une base islamique religieuse et non sur la base de la nationalité. Son allégeance doit être à l’Islam et aux musulmans, son hostilité doit être portée vers l’idolâtrie et les idolâtres». …«Un état qui adopte l’Islam pour la détermination de sa politique interne afin qu’elle soit une source de fierté pour les Musulmans et que la religion musulmane gouverne les principales articulations de l’état.

En politique étrangère: L’objectif est de «porter haut la parole de Dieu et d’édifier un État Islamique Mondial et Solide. Un état hostile aux régimes illégitimes». (Un régime légitime, d’un point de vue salafiste, est un régime gouverné par la Charia ou alors un régime placé sous le régime de la dhimmitude et soumis en conséquence à un impôt spécifique de servitude).

Article 5 de la Charte: «Les enfants du Front Islamique sont des Musulmans. Leur allégeance est à la religion de Dieu, rassemblés par leur Dieu commun, en vue de mener le Djihad et de rejeter l’injustice et la tyrannie. Leur objectif est d’établir la «Loi de Dieu» sur terre, fiers de leur appartenance à la nation musulmane dont ils se considèrent comme des membres indivisibles».

Article 14: «Le Front Islamique entretient de bonnes relations internationales avec tous les états qui ne nourrissent pas à son égard des intentions hostiles, de manière compatible avec ses intérêts, selon les dispositions de la législation islamique. Ces dispositions sont contenues dans le pacte d’allégeance et d’exemption».

Le document de réflexion sur «la stratégie régionale sur la terre du Levant».

Sur ce point, une convergence existe entre le Front Islamique et Al Qaida, lequel reconnaît l’importance de l’action extérieure. Un document de réflexion sur «la stratégie de la guerre régionale sur la terre du Levant» en traite en ces termes: «Tout jeu local qui ne tient pas compte de la sphère générale du jeu, qui ignore comment traiter avec elle et conjuguer ses efforts, ne réussira pas à faire bouger les choses, sauf volonté de Dieu».

La stratégie détaillée par ce document met l’accent sur la souplesse: «Toute force djihadiste qui souhaite s’engager sur la scène du Levant, -de plus en plus mouvante avec une violence de plus en pus accrue-, avec un nombre d’acteurs de plus en plus nombreux, doit s’appuyer sur une stratégie souple pour se positionner en fonction des interventions sur le théâtre d’opérations ou contre les actions hostiles imposées par les grandes puissances».

Bien que la Charte du Front Islamique ne spécifie pas clairement qu’il vise à l’établissement d’un califat mondial, allant même jusqu’à faire allusion à la création d’un État Islamique dans le cadre des frontières de la Syrie, diverses raisons nous inclinent à penser qu la Charte du Front Islamique a recouru à la restriction mentale et à la dissimulation des véritables objectifs de son combat.

1 ère raison: la Charte porte le nom «Projet d’une Nation» (Machrouh al Oumma), une claire suggestion au fait que le Front Islamique se considère comme porteur légitime du projet de la «Nation Islamique», qui s’assimile en fait au projet de «Califat Islamique. Ce faisant, les rédacteurs du projet ont ainsi voulu ménager les étapes, selon l’expression d’Abou Issa Al Cheikh. Veillant à ne pas «étaler la totalité de leurs visées, ils ont opté pour une politique progressive, celle-là même pratiquée par Ahrar Al Sham.

2me raison: L’abolition du découpage territorial résultant des accord Sykes-Picot de 1916. C’est à tout le moins ce qui se déduit des propos de l’Émir du mouvement Ahrar Al Sham, Hassan Abboud. Dans un entretien à la chaîne du Qatar Al Jazira, en date du 13 juin 2013, soit un an avant son assassinat, le dirigeant d’Ahrar Al Sham avait déclaré textuellement: «Nous attendons avec impatience le jour où nous pourrons détruire de nos mains les barrières qui nous ont été imposées par Sykes-Picot. C’est un fait. Nous ne nous bornons pas à dépasser ces données de fait. Ce que nous visons et espérons est de voir la Oumma constituer une entité unique une nouvelle fois».

V- Le Front Islamique et ses alliances

A – Chafi Al Ajami Al Koweiti, un des principaux bailleurs de fonds d’Ahrar Al Sham
B – La présence des combattants étrangers (Les djihadistes migrants)
C – Abou Khaked Al Soury, en coordination avec le journaliste d’Al Jazira le syrien Tayssir Allouni pour le compte d’Al Qaida
D – Des rapports avec Al Qaida
E- La proportion des opérations conjointes Jabhat an Nosra et Jaych Al Islam est de l’ordre de 80 pour cent »]

Le Front Islamique a opéré une répartition de ses allégeances en fonction de ses sources de financement, de ses pourvoyeurs en armes et selon les besoins du djihad. Les principaux groupements du Front Islamique ont en outre noué de très solides relations avec le trio occidental (Etats-Unis, Royaume Uni et France) en charge du dossier Syrie.

Trois de ses formations entretenaient d’ailleurs de très anciennes relations avec Robert Ford, ambassadeur des États Unis auprès de l’opposition off-shore.

Bien que le Front Islamique ait bénéficié du financement des salafistes des pétromonarchies du Golfe, certains des groupements ont préféré s’appuyer davantage sur le Qatar et d’autres -tels Al Qaida et le Front Islamique-compter sur le soutien de l’Arabie Saoudite.

De forts indices confirment l’existence de liens directs dans de nombreux domaines entre le Front Islamique et les deux branches d’Al Qaida en Syrie. Mais cette coopération n’a pas exclu pour autant la rivalité entre ces deux mouvements; Une rivalité qui s’est exprimée de diverses façons sur le terrain.

Dans la foulée de la libération des détenus de Da’ech en Irak, Abou Abbas Al Shami a déclaré sur twitter: «J’ignore pourquoi mon cœur est rempli d’inquiétudes à la libération des prisons d’Irak (22 juillet 2013). Des gazouilleurs partisans de Da’ech lui répliquèrent sans ménagement: «Abou Abbas est supposé remercier Dieu que les renégats aient été vaincus et les prisonniers libérés. Que peut-on faire pour un homme attaché d’une manière très fanatique à son parti» (site Ana Mouslim -Je suis Musulman).

A – Chafi Al Ajami Al Koweiti, un des principaux bailleurs de fonds d’Ahrar Al Sham

Les conflits sur les sources de financement sont fréquents. Si Ahrar Al Sham couvre d’éloges Chafi Al Ajami Al Koweiti, un des principaux bailleurs de fonds et un des plus importants soutiens du projet islamiste en Syrie, les partisans de Da’ech l’abreuvent d’injures, le qualifiant d’«hypocrite louvoyant, que Dieu doit faire disparaître sur terre, bien avant l’au-delà».

La polémique a pris parfois un ton si exaspéré qu’elle a conduit le chef d’une des principales formations du Front Islamique, Zahrane Allouche, à intervenir publiquement sur ce point: «Mon cher frère, nous n’avons rien reçu jusqu’à présent de Cheikh Chafi, sachant pertinemment que Cheikh Chafi n’apporte le moindre soutien à Liwa Al islam, pas le moindre dinar à ce jour (25 Juin 2013).

B – La présence des combattants étrangers (Les djihadistes migrants).

La charte du Front Islamique a admis la présence de combattants migrants en Syrie (moujahed mouhajer), précisant qu’il s’agit de «frères qui nous apporte leur soutien dans le djihad auxquels nous sommes gré de leur participation à ce djihad. Nous leur sommes redevables de leur soutien et réciproquement».

Mais la vérité est toute autre. L’affaire ne se limite pas à des migrants partisans, satisfaits de la considération dont ils bénéficient. Des indices pointent du doigt Ahrar Al Sham, le groupe axial du Front Islamique, dans son rôle majeur dans l’accueil des combattants étrangers, s’y appliquant, dès le début de la crise syrienne, à mettre sur pied ce système.

Un coup d’accélérateur a été donné à ce processus avec la remise en liberté en Mai 2011 des détenus de la prison de Saydnaya (périphérie de Damas) à la faveur de l’amnistie générale décrétée par le pouvoir syrien. Parmi les personnes libérées figuraient en effet Hassan Abboud, le chef d’Ahrar Al Sham.

Le travail à l’époque se passait dans la plus grande clandestinité. Trente mois après la libération du chef de ce mouvement, il est clairement apparu qu’Ahrar Al Sham a été le premier groupement à accueillir de djihadistes migrants en provenance de divers pays.

La plupart se sont ensuite ralliés à Jabhat An Nosra après sa création fin 2011. Le nombre des migrants combattants ralliés à Jabhat An Nosra n’a pu être déterminé avec précision. Mais cette transhumance entre groupements djihadistes a donné lieu à de vives tensons entre Jabhat An Nosra et Ahrar Al Sham.

Abou Bassyr At Tartoussi, un des plus célèbres théoriciens du djihadisme à l’échelle planétaire, a été le premier à mettre en suspicion Jabhat An Nosra, multipliant les accusations à son égard pendant plusieurs mois. Il n’est pas exclu de penser que cette polémique ait été favorisée par le régime syrien, quand bien même Abou Bassyr At Tartoussi passe pour être une des références majeures d’Ahrar al Sham.

Une des conséquences de cette polémique est le fait que, pour la première fois en Syrie, l’existence de conseils des tribus en Syrie, -sur le modèle des conseils de tribus en Irak du temps de l’occupation américaine-, est mentionnée dans le débat public.

Ahrar Al Sham a été le premier groupement à être accusé par Jabhat An Nosra de faire office de «conseil de tribus» contre les Moujahiddines. L’accusation peut surprendre lorsque l’on sait l’étroite collaboration qui existait peu de temps auparavant entre Jabhat An Nosra et Abou Bakr Al Baghdadi, futur chef de Da’ech.

Parmi les migrants ayant adhéré à Ahrar Al Sham figuraient d’anciens et d’actuels Moujahiddoune d’Al Qaida ainsi que certains dirigeants. Si la présence de dirigeants d’Al Qaida, non syriens, dans l’organigramme du Front Islamique n’a pas été établi à ce jour, la présence de dirigeants syriens est, en revanche, désormais patente.

C – Abou Khaked Al Soury, en coordination avec le journaliste d’Al Jazira le syrien Tayssir Allouni pour le compte d’Al Qaida

L’un d’entre eux est Abou Khaled Al Soury, l’un des plus célèbres d’entre eux et le plus mystérieux aussi. Un des fondateurs d’Ahrar Al Sham où il exerça de hautes responsabilités entourées du plus grand secret, Abou Khaled Al Soury était dans le même temps un chef d’Al Qaida,très proche de son fondateur Oussama Ben Laden.

Abou Khaled Al Soury coordonnait ses activités avec Tayssir Allouni, le journaliste syrien de la chaîne du Qatar «Al Jazira» qu’Ayman Al Zawahiri, en son temps, avait désigné comme tant «le meilleur à nous informé et le meilleur à nous faire connaître».

(NDLR: Journaliste syro-espagnol, Tayssir Allouni a été inculpé par la justice espagnole pour «collaboration avec un réseau terroriste» et condamné à 7 ans de prison ferme, en septembre 2005).

Abou Khaled Al Soury a même été chargé de régler le différend entre Mohammad Al Joulani et Abou Bakr Al Baghdadi. Il a été 3eme destinataire du verdict rendu dans le conflit, dont les deux autres destinataires n’étaient autre que les deux protagonistes.

Outre Abou Khaled Al Soury et Abou Tayssir At Tartoussi, deux autres noms ont émergé: Abou Mariam Al Falastini et Abou Mohamad Al Faransi.

Abou Mariam Al Faransi, arrêté par les autorités jordaniennes, s’est révélé par la suite

comme étant un chef législatif d’Ahrar Al Sham. Abou Mohamad Al Faransi dont le nom est devenu public après un incident à Miskine (périphérie d’Alep), s’est révélé être le Mufti général de la division Mouss’ab Ben Omeir d’Ahrar Al Sham.

L’indice le plus solide de l’appartenance d’Ahrar Al Sham, et par voie de conséquence du Front Islamique, au djihadisme mondial est la présence de la Brigade Al Forqane, constituée, dans sa totalité, de djihadistes migrants en provenance de divers pays du monde.

Il est indubitable qu’une composante importante du Front Islamique, le groupement Ahrar Al Sham, est affiliée à Al Qaida, soit d’une manière organique, soit du point de vue comportemental. Ce dernier courant a finalement réussi à monopoliser le pouvoir décisionnaire d’abord au sein d’Ahrar Al Sham, ensuite au niveau du Front Islamique, en partage avec Jaych Al Fateh, indépendamment de ses autres composantes.

L’étroite alliance entre Ahrar Al Sham et Jabhat an Nosra traduit cette connivence: A l’instar de autres formations, Ahrar Al Sham avait vivement critiqué l’allégeance de Mohamad Al Joulani à Ayman Al Zawahiri, considérant que cet acte constituait un service rendu au régime syrien.

Puis lorsque le différend a éclaté entre Jabhat An Nosra et Da’ech, Ahrar Al Sham n’a pas vu la moindre objection à s’allier avec une organisation qu’elle accusait auparavant de servir le régime syrien, préférant se ranger aux côtés de Jabhat an Nosra qui faisait preuve, selon Ahrar al Sham, d’une meilleure compréhension des réalités de la Syrie que son rival Da’ech.

Ahrar A Sham se présente comme étant «un mouvement islamique global veillant à la libération du territoire, à la promotion de l’être humain et la construction d’une société musulmane mature en Syrie». Pourtant tant dans ses déclarations publiques que sur les réseaux sociaux, Ahrar Al Sham tient des propos en décalage avec son discours officiel.

A titre d’exemple, il qualifie l’armée syrienne et ses alliés de «renégats» et les unités de d’auto-défense du peuple kurde sont gratifiés de la dénomination de «bandes de miliciens». Dans les films de propagande qu’il diffuse après chaque opération militaire, il présente enfin le conflit de Syrie comme étant un conflit contre «les Chiites, les renégats et les nousseyrites».

Son attitude converge avec celle de Liwa Al Islam. Une vidéo de son chef, Zahrane Allouche, qu’il nous a été donnée de visionner emprunte les mêmes termes: «La gloire des Omeyyades va rejaillir à nouveau sur le Levant, malgré vous. Les Moujahiddines du Levant laveront le Levant de la souillure des renégats, afin de le purifier de leur souillure. …« Les renégats et les Noussseyrites encerclent Al Ghoutta (périphérie de Damas), je vous annonce renégats remplis de souillures que, de la même manière que les Ommeyades ont brisé vos têtes dans le passé, les habitants de Ghoutta et du Levant briseront vos têtes.….« Ils vous feront goûter la souffrance sur terre, avant que Dieu ne vous la fasse goûter dans l’au-delà. Renégats, vous subirez ce à quoi vous ne vous attendez pas».

D- Des rapports entre Al Qaida:

Zahrane Allouche, chef du Jaych Al Islam (l’armée de l’Islam) a tenu les propos suivants sur les rapports du Front Islamique avec Al Qaida: Jabhat an Nosra est une formation islamiste combattante déployée en Syrie. Ce sont des frères. Pour narguer nos ennemis, nous nous sommes associés dans de nombreuses batailles et avons constaté leurs bonnes prestations aux combats.

…«Personnellement, j’ai rencontré leur responsable de la législation islamique Abou Maria Al Qahtani et je n’ai constaté aucune divergence entre leur législation et la nôtre. Si nous formions un même groupement, Abou Maria Al Qahtani aurait été son responsable de la législation.

Zahrane Allouche a conclu ses propos en rendant hommage à Abou Mohamad Al Joulani, chef du Jabhat An Nosra, qu’il avait rencontré deux ans auparavant, mentionnant «son souci de veiller à l’avenir de cette nation» (Interview au journal Al Hayat en date du 21 novembre 2013).

E- La proportion des opérations conjointes Jabhat an Nosra et Jaych Al Islam est de l’ordre de 80 pour cent.

Les opérations conjointes menées par Jabhat An Nosra et Jaych Al Islam, sous commandement commun, notamment à Al Qalmoun, Ersal, ainsi que contre la prison centrale d’Alep et à Kuneîtra (chef lieu du Golan occupé par Israël), donnent une idée de l’ampleur de leur inter-connectivité et de leur coopération, voie même du degré de leur compétition à capter les djihadistes migrants.

Plusieurs responsables du Jabhat An Nosra assument d’ailleurs le commandement des formations militaires du Front Islamique, à l’échelon de la compagnie et de fortes similitudes existent dans leurs méthodes de combat, que cela soit dans la façon de procéder à la mobilisation psychologique, aux mots d’ordre employés, au recours aux l’enlèvement et à l’assassinat sur une base confessionnelle.

Les ONG s chargées de la défense des Droits de l’Homme estiment qu’il n’y aucune différence, tant en théorie qu’en pratique, entre Jabhat an Nosra et les mouvements Ahrar Al Sham, Souqqour Al Sham (les faucons du Levant) et les combattants étrangers. La coordination est pleine et entière: 80 pour cent des opérations menées par Jabhat An Nosra et Ahrar Al Sham sont des opérations conjointes. La différence réside dans le fait que le nombre des combattants étrangers (djihadistes migrants) était moindre chez Ahrar al Sham qu’au sein de Jabhat An Nosra.

Les bonnes relations d’Ahrar Al Sham avec les services de renseignements occidentaux.

L’autre différence résidait dans le fait qu’Ahrar Al Sham entretenait de bonnes relations avec les services de renseignements occidentaux (États-Unis, Royaume Uni, France) et le Qatar et veillait à entretenir de bonnes relations avec l’Arabie Saoudite après la mort du Roi Abdallah en janvier 2015. Ce fait lui assurait immunité et protection et lui donne droit à la part du lion dans la répartition des subventions gouvernementales des pétromonarchies et des pays occidentaux.

VI- Des liaisons entre Al Qaida et Ahrar Al Sham

A- Abou Khaled Al Soury (1963-2014)

Abou Khaled Al Soury, de son vrai nom Mohamad Bahaya, rejoint à 16 ans, alors qu’il était élève du secondaire, At Taliha Al Mouquatilla, (L’Avant Garde Combattante), la structure militaire clandestine des Frères Musulmans de Syrie. Bien que n’ayant participé à aucune opération militaire significative, il s’exilera en Turquie après le massacre de Hama, en février 1982, pour assumer les fonctions de responsable de la logistique et de la contrebande d’armes entre la Turquie et la Syrie.

Il échappera à un attentat par accident …en quelque sorte, se fracturant la jambe le jour où il devait regagner la Syrie en compagnie du chef militaire d’At Taliha Al Mouquatila, Adnane Okla, disparu depuis lors. Tous ceux qui avaient franchi la frontière ce jour-là ont péri dans une embuscade tendue par les forces de sécurité syriennes.

Fin 1987, Mohamad Bahaya se rendit en Afghanistan pour participer au djihad anti soviétique, en compagnie d’une figure mythique du djihad afghan, le Cheikh Abdallah Azzam. Plusieurs responsables d’At Taliha Al Mouquatlila attestent de l’appartenance d’Abdallah Azzam à la structure militaire clandestine des Frères Musulmans de Syrie et sa connexion avec son fondateur l’ingénieur Marwane Hadid.

Abdallah Azzam a fondé au Pakistan «Bayt Al Ansar» (La maison des partisans). A son arrivée, Mohamad Bahaya rejoigna la maison des partisans et pris le nom de guerre d’Abou Khaled. Bayt Al Ansar se transforma par la suite en «Bayt Qaida Al Jihad» (la maison de la base du djihad), dont Mohamad Bahaya, le nouveau Abou Khaled Al Soury, en prendra la responsabilité de la formation des cadres.

Dans ce centre, Abou Khaled retrouvera son ami d’enfance et son collègue d’At Taliha, Abou Mouss’ab Al Soury.

B- Abou Mouss’ab Al Soury: Le théoricien des «loups solitaires»

Théoricien des «loups solitaires», Moustapha Sit Mariam Al Rifai est né en 1958 à Alep (Nord de la Syrie). Il adhère très jeune à At Taliha Al Mouquatila. Il a narré cette tranche de sa vie dans ses ouvrages relatant sa formation militaire auprès des officiers syriens déserteurs, réfugiés en Jordanie, ainsi qu’auprès des officiers irakiens et égyptiens. Spécialisé dans le maniement des explosifs, la guérilla urbaine et les opérations spéciales, il sera un formateur dans les bases de l’appareil militaire des Frères Musulmans de Syrie, puis dans des bases en Jordanie et des camps d’entraînement en Irak.

Lors de la bataille de Hama, en 1982, il est nommé par le commandement des Frères Musulmans, membre du Haut conseil militaire, sous les ordres directs de Said Hawa, chef de la branche militaire de la confrérie en Syrie, adjoint au responsable du secteur Nord Ouest de la Syrie.

Le massacre de Hama a sapé les fondements de son programme visant à la confrontation directe et frontale avec le régime baasiste: Abou Mouss’ab annonce alose sa scission des FM en signe de protestation contre sa ratification du «Programme d’Alliance Nationale» avec les partis laïcs et communistes ainsi que la section irakienne du Parti Baas. Il se lancera alors dans une 2me phase de sa vie matérialisée par la «réactivation du combat djihadiste au Levant».

Son projet le mène au Pakistan où il fait la connaissance d’Abdallah Azzam, se rallie aux Moujahiddines arabes, entraînant bon nombre de ses cadres au maniement des explosifs et autres opérations militaires, en compagnie de son ami d’enfance Abou Khaled Al Soury.

La conjonction de l’expertise militaire d’Abou Mouss’ab, de son expérience militaire et organisationnelle et de la jurisprudence s’opère sous l’égide d’Abdel Kader Ben Abdel Aziz auteur de deux ouvrages «Al Omda» (Le Decennat) et «Al Jameh» (Le Fédérateur) qui lui ont donné la possibilité de faire part, dans un troisième ouvrage de son «expérience syrienne» et de proclamer dans la foulée son communiqué N° 1 «Appel à la Résistance Islamique Mondiale».

Durant sa période djihadiste, tant au Pakistan qu’en Afghanistan, Abou Mouss’ab a élargi sa connaissance dans le domaine de la jurisprudence en se pénétrant de la pensée d’Abou Taymima et d’Ibn Al Qyam Al Jouzziyeh, ceux de Sayyed Qotb et d’Abdallah Azzam.

Abou Mouss’ab explique les facteurs qui ont influence sa structuration idéologique en ces termes: «En 1990, lors de la première du Golfe, (consécutive à l’invasion du Koweït par l’irakien Saddam Hussein), tout le spectre djihadiste se trouvait à Peshwar, des membres des conseils des tribus aux djihadistes. L’attitude adoptée par les gouvernements arabes, les cheikhs et les peuples à l’égard de cette guerre a fait l’effet d’un séisme de la communauté djihadiste.

Avec l’avènement du Nouvel Ordre Mondial, les thèses des conseils tribaux ont révélé leur faillite, nous conduisant à la nécessité de dégager une nouvelle voie en vue d’affronter le Nouvel Ordre Mondial.

…..«A ce moment là, j’ai rédigé un communiqué qui constituait un «Appel au lancement d’une résistance islamique mondiale», plaçant ce document sous le symbole des trois lieux saints: La Qaaba (la pierre noire de La Mecque), la Mosquée Al Aqsa et la Mosquée de Médine, ployant à des lances ornées de croix et des toiles à six branches, par référence à l’occupation de ces trois lieux saints par les Croisés et les Juifs depuis 50 à 60 ans. Le communiqué faisait ouvertement appel au terrorisme sur les divers points de la planète pour combattre ce Nouvel Ordre Mondial.

Abou Mouss’ab Al Soury a laissé une œuvre fondamentale sur l’expérience djihadiste, dont la partie la plus importante est contenue dans un livre intitulé «Observations sur l’expérience djihadiste en Syrie et les gens du Levant pour faire face aux Noussayrites, aux Croisés et aux Juifs», ainsi que «Appel à la Résistance Islamique» dont l’idée générale s’articule autour de ce point: «Il incombe à toute nouvelle génération de développer sa propre conception pratique du djihad, tirée de sa propre expérience et de la faire évoluer en fonction des expériences précédentes».

….«Les échecs sont coûteux. Mais dans certains cas l’échec peut être profitable pour une victoire prochaine car il fédère l’expérience à expérimentateur, et, pour peu qu’il soit animé de persévérance et de détermination à se maintenir dans la voie, les conditions de la victoire décisive sont alors réunies. Avec la permission de Dieu»…..«Il nous incombe d’abandonner la démocratie qui relève de l’apostasie et de rallier le djihad pour édifier un califat islamique».

La chute du gouvernement pro-soviétique de Najibullah à Kaboul, la tournure prise par la guerre en Afghanistan en règlement de compte entre les seigneurs de la guerre décident Abou Mouss’ab à s’installer à Londres pour collaborer avec «la cellule algérienne de Londres». Ce groupement éditait le bulletin «Al Ansar», une publication de soutien au groupement armé islamique en Algérie.

Abou Mouss’ab faisait la navette entre Londres et Istanbul et avait de cette sorte une claire vision du déroulement de la guerre en Algérie, échangeant ses vues avec Abou Khaled qui partageait pleinement son opinion. Jusqu’au divorce avec ses collègues algériens sur le cours de la guerre.

Abou Khaled, de son côté, avait décidé de retourner en Turquie, en 1992, pour plusieurs mois, avant de s’installer en Espagne où il demeurera deux ans, maintenant le contact avec son ami, partageant pleinement ses vues sur l’Algérie.

Les deux hommes retournent en Afghanistan fin 1997 avec l’arrivée au pouvoir des Talibans. Très proches d’Oussama Ben Laden, l’un d’eux, Abou Khaled, fera office un moment de compagnon et confident du fondateur d’Al Qaida.

Durant son séjour à Londres, Abou Mouss’ab avait noué des contacts avec les médias occidentaux, qu’il mettra à profit pour organiser une interview de Ben Laden avec CNN, fin 1997. Les deux hommes offriront ainsi la possibilité à un condisciple syrien, le journaliste Tayssir Allouni de travailler à Kaboul en tant que journaliste, puis d’obtenir pour CNN et Al Jazira, l’autorisation de travailler en Afghanistan.

En Afghanistan, précisément les deux amis d’enfance Abou Khaled et Abou Mouss’ab reprennent du service procédant à la formation militaire et religieuse des combattants jusqu’à la déclaration de guerre des Etats Unis au régime taliban en octobre 2001, date à laquelle ils se replient au Pakistan. Abou Mouss’ab a été arrêté le 5 Mai 2005 et son ami Abou Khaled cinq mois plus tard, le 3 Octobre 2005, également au Pakistan.

Au Pakistan, l’interrogatoire d’Abou Mouss’ab a surtout porté sur Al Qaida. Début 2006, il est transféré à l’île de Diego Garcia (Océan indien), qui abrite une importante base aéronavale britannique, avant d’être remis aux autorités syriennes. En Syrie, il sera enfermé dans une section des services de renseignements syriens à Damas, d’abord, puis à Alep. Depuis lors, toute trace d’Abou Mouss’ab a disparu.

Abou Khaled, lui, a été directement livré aux autorités syriennes en vertu d’un accord américano-syrien sur la coopération sécuritaire entre les deux pays, connu par le terme de rendition, la sous traitance des prisonniers des Américains par des tiers. Il sera détenu pendant sept ans à la prison militaire de Saydnaya (périphérie de Damas).

En novembre 211, il comparaîtra devant la justice pour répondre du chef d’accusation «appartenance au mouvement Al Qaida». Abou Khaled niera cette charge mais admettra en revanche sa relation avec les Talibans, avec lesquels il avait d’ailleurs combattu les Arabes afghans.

Condamné à 7 ans de prison, une peine qu’il avait déjà purgé en pré-détention, il sera libéré. Une décision coïncidant avec l’amnistie générale décrétée par la présidence syrienne de libérer les salafistes djihadistes prise en Mai 2011. Si sa libération a été annoncée, elle n’a été nullement confirmée.

C – D’ Abou Khaled Al Soury à Abou Omeir Al Chami

Libéré en fait le 17 décembre 2011, Abou Khaled Al Soury prendra immédiatement contact avec le «Groupe de Saydnaya», le groupe le plus apte, selon lui, à mener de pair le combat djihadiste et l’action sociale et législative. Il mettra son expérience au service d’«Ahrar Al Sham», occupant une position charnière à l’intersection d’Al Qaida et d’Ahrar Al Sham.

Via son réseau djihadiste salafiste du Golfe, qu’il avait tissé du temps de la guerre anti-soviétique d’Afghanistan, dans la décennie 1980, il veillera à assurer un soutien financier et médiatique à Ahrar A Sham, en sus de l’attrait qu’il exerçait sur les combattants étrangers.

Parallèlement, il veillera à éviter les heurts entre Da’ech et Jabhat An Nosra. Ayman Al Zawahiri, le chef d’Al Qaida, le chargera même d’une mission de bons offices auprès de Da’ech.

N’ayant pas adhéré à Jabhat An Nosra, la branche syrienne d’Al Qaida, ayant pris ses distances avec Da’ech, il s’appliquera à renforcer Ahrar Al Sham, qu’il rejoindra officiellement fin 2012, en entraînant ses troupes à la périphérie nord d’Alep, où son nouveau nom de guerre a commencé à circuler: Abou Omeir Al Chami, un nom choisi par fidélité à un cheikh salafiste du Qatar, son fidèle soutien durant sa période de détention.

Début 2013, il est nommé «Émir du mouvement islamique Ahrar al Sham pour le secteur d’Alep (Nord de la Syrie), région frontalière de la Turquie.

D – Abou Hassan Al Tabouki ou la filière tchétchène et la connexion turque.

De son vrai nom Iyad Al Shaar, Abou Hassan Al Tabouki est le chef d’Ahrar Al Cham pour le littoral syrien et le secteur de Jisr Al Choughour; un poste stratégique s’il en est du fait que le littoral syrien abrite les bases russes de Banias et Tartous. Et ceci pourrait expliquer cela. L’assaut contre la périphérie nord de Lattaquieh ne s’explique d’ailleurs que par une mise en perspective des opérations qui l’ont procédé à Idlib et Jisr Al Choughour.

Le journal libanais «Al Safir» a été le premier média au Monde à révéler l’implication de combattants tchétchènes à cette opération, révélant même l’identité du chef du commando, Abou Moussa Al Shishani, commandant en chef de la brigade d’Ansar Al Sham (Les partisans du Levant), confirmant du même coup le fait que l’engagement tchétchène dans cette opération a constitué la colonne vertébrale de cette bataille.

D’autres chefs militaires tchétchènes se sont engagés dans la bataille du littoral syrien, notamment Mouslem Al Sishani (Abou Walid), chef du groupement «Jounoud Al Sham» (Soldats du Levant), ainsi que son adjoint Abou Fouras Al Shishani, les trois superviseurs de l’assaut contre le poste d’observation 45.

Le trait commun à ces opérations est le fait que le commandement militaire était tchétchène, des combattants hostiles à la Russie. L’autre point commun est la connexion avec les services de renseignements turcs du commandement militaire tchétchène, liés les uns et les autres de longue date par des intérêts communs.

Mouslem et Abou Moussa Al Shishani ont participé à de nombreuses opérations contre les forces russes dans la décennie 1990, dont la plus célèbre est l’opération «Khairallah» (le bienfait de Dieu).

Le chef militaire d’Ahrar Al Sham pour le secteur de Lattaquieh, Abou Hassan Al Tabouki (qui est syrien et non saoudien comme son nom de guerre pourrait le suggérer), vétéran du djihadisme afghan, a été l’un des commandants de l’assaut contre Kassab, en 2014, et contre Jisr Al Choughour, en 2015.

Ayant émigré en 1978, à l’âge de 11 ans, de Jisr Al Choughour vers l’Arabie saoudite, en compagnie de sa famille, où son père était en poste à Tabouk, Iyad al Chaar, alias Abou Hassan Al Tabouki, s’est très tôt imprégné de l’idéologie salafiste wahhabite. C’est l’un des arabes afghans ayant combattu dans les rangs d’Al Qaida, en compagnie de son frère Yasser. Il reviendra à Jisr Al Choughour après 37 ans d’absence sous la bannière de «Jaych Al Fateh» (l’armée de la conquête), un détachement d’Ahrar Al Sham.

Animé d’un fort sentiment anti-russe, Abou Hassan Al Tabouki est le frère de Yasser Al Soury, de son vrai nom Yasser Al Chaar, le seul arabe à avoir participé à un poste de commandement à l’opération terroriste contre le théâtre Dubrivka, à Moscou, le 23 octobre 2002. Des informations font état du fait qu’il était un des maîtres d’œuvre de cette opération et non un simple exécutant. A la tête du commando se trouvait Mosvar Baraiev, neveu d’un chef de guerre tchétchène tué par les forces russes.

Au début du soulèvement en Syrie, Abou Hassan est retourné en Syrie et adhéré à Ahrar Al Sham, à la demande de son groupement en raison de la forte similitude entre Al Qaida et Ahrar al Sham, tant par leur idéologie, que par leur comportement voire même que de la qualité de leur commandement respectif.

Parmi les chefs militaires d’Ahrar Al Sham figurent en effet des chefs réputés pour leur expérience à l’instar d’Abou Khaled Al Soury, Abou Mariam Al Falastini et Abou Mohammad Al Faransi, tous précédemment en rapport avec Al Qaida et le djihad afghan.

Des relations étroites existent entre Ahrar Al Sham et les services de renseignements turcs, qui trouvent leur prolongement dans la présence au sein d’Ahrar Al Sham d’Abou Hassan Al Tabouki et de son frère Yasser Al Soury, de même qu’Ayman Abou Toute. De son vrai nom Abou Abbas Al Chami, Aymane Abou Toute exerçait les fonctions de «Mufti général» du groupement jusqu’à sa mort, l’an dernier.

E – Abou Abbas Al Chami alias Ayman Abou Toute : Le résident de Turquie

Ayman Abou Toute a résidé plusieurs années en Turquie, au su su et au vu des services de renseignements turcs qui ont fermé l’œil sur ses contacts avec des organisations terroristes avant son arrestation par les autorités syriennes et son incarcération à la prison de Saydnaya, puis sa libération en Mai 2011 à la faveur de l’amnistie présidentielle. L’assaut contre le théâtre Dubrivka, le 23 octobre 2002, a été mené par un commando de 50 membres tchétchènes parmi lesquels Yasser Al Shaar, alias Yasser Al Soury, le propre frère d’Abou Hassan Al Tabouki.

Au terme de dix jours de siège, l’assaut donné par les Russes a provoqué la mort de 39 assaillants tchétchènes, parmi lesquels Yasser Al Soury et 129 otages.

Épilogue

La perspective d’une possible relance du processus visant à une transition politique du pouvoir en Syrie, matérialisée par la conférence de Vienne 1 et Vienne 2 avec pour la première fois la participation de l’Iran, a déclenché une vague d’assassinats dans les rangs djihadistes dans une tentative de mise au pas des récalcitrants et son adaptation au nouveau momentum diplomatique régional et international, avec leur inhérente réplique djihadiste.

La Turquie a procédé à la liquidation physique de trois dirigeantes kurdes, notamment Siva Demir, coprésidente du Conseil du Peuple de Slopy et Fatma Wayar, activiste du Congrès des Femmes kurdes, dans la foulée de la constitution du «Conseil Démocratique de Syrie», le 13 Décembre 2015 et un dirigeants de Jabhat An Nosra, Jamil Raadoune, chef du «groupement des faucons de la forêt», a été assassiné à Antioche (sud de la Turquie).

Huit dirigeants de Jabhat An Nosra ont également été assassinés, dont Jamil Raadoune, chef du «groupement des faucons de la forêt», à Antioche (sud de la Turquie) et Ibrahim Said, officier dissident, membre de la Haute Cour relevant du Conseil des Oulémas de Homs, responsable législatif de la brigade 313.

Selon «l’office de recensement des martyrs du département de Déra’a», 105 opérations homicides visant 861 membres des groupements islamistes se sont produites au cours du dernier trimestre 2015 dans cette zone frontalière syro-jordanienne et point de passage des djihadistes vers la Turquie et l’Arabie saoudite via la Jordanie. Parmi les victimes figurent notamment Abou Raghid Al Bacheq, dirigeant du Jabhat An Nosra pour le secteur du Hourane, à l’est de Dera’a. Les assassinats ont englobé diverses provinces Idlib, Homs et la périphérie de Damas, en nette augmentation par rapport à la période correspondante 2013-2014.

Pour Ahrar Al Sham: Abdallah Barakat, chef militaire de la zone de Homs et son adjoint Ammar Houdour ont été assassinés, ainsi que Youssef Jouneid, tué, lui, par l’explosion de sa voiture sur l’autoroute Alep-Damas; enfin, en Janvier 2016, le chef militaire d’ Ahrar Al Sham à Homs, Abou Rateb Al Homsy était éliminé à son tour.

Pour aller plus loin voir à ce propos: «Les groupements islamistes phagocytent Al Qaida, les assassinats en augmentation croissante».

L’apparition sur la scène publique internationale de la coalition de l’opposition démocratique syrienne, rivale de l’opposition syrienne off shore pro-wahhabite, a déclenché une fébrilité sans pareille dans les milieux djihadistes. Ainsi le «Conseil Consultatif des Détenteurs du Savoir du Levant» a jeté l’anathème sur les forces démocratiques syriennes, les considérant comme des «traîtres à Dieu et une force stipendiée aux ennemis de la nation musulmane».

Le Conseil Consultatif, qui regroupe des Oulémas et des légistes, a décrété la «mobilisation générale» pour faire face à cette menace. Le Djihad est un impératif. Point n’est besoin de l’autorisation d’un père ou de quiconque», souligne la Fatwa publiée sur Facebook et portant la signature de 38 légistes.

Auparavant, Zahrane Allouche, 44 ans, avait été tué le 25 Décembre 2015, lors d’un raid de l’aviation syrienne contre son fief à la périphérie EST de Damas. Le chef de Jaych Al Islam avait bombardé, peu de temps auparavant, l’ambassade de Russie à Damas en signe de protestation contre l’intervention militaire massive de la Russie aux côtés de son allié syrien de longue date, le pouvoir baasiste.

L’élimination physique de l’homme-lige des Saoudiens en Syrie et de cinq autres dirigeants de son groupement, dix jours après la sélection par l’Arabie saoudite de la délégation de l’opposition wahhabite syrienne aux pourparlers de paix avec le pouvoir baasiste, a incontestablement constitué un coup dur à la fois pour le Royaume saoudien et pour l’ensemble de l’opposition pro-wahhabite syrienne. En réplique, l’Arabie saoudite a ordonné, cinq jours plus tard, le jour de l’an 2016, la décapitation de 46 personnes, pour faits de «terrorisme». Parmi les suppliciés figurait le Cheikh Nimr Al Baqer Al Nimr, chef spirituel de la communauté chiite saoudienne, un dirigeant charismatique, entraînant une escalade de violence entre l’Iran et la dynastie wahhabite aboutissant à une rupture des relations diplomatiques entre Riyad et Téhéran. Le neveu du Cheikh Nimr, détenu en Arabie saoudite, a été, lui condamné la peine capitale et à la crucifixion.

Zahrane Allouche avait été arrêté en 2009 et amnistié en Juin 2011, trois mois après le début du conflit. Il avait adhéré en Août 2014 au Front Islamique spécifiant clairement son objectif l’édification d’un «califat islamique empreint de sagesse».

Quant au mouvement Ahrar Al Sham, proche du Jabhat An Nosra, Ahrar, il a été décapité mardi 9 septembre 2014 dans un attentat qui a coûté la vie à quarante six chefs de ce groupement salafiste djihadiste. Quatre de ses principaux dirigeants d’Ahrar Al Sham ont été tués dans cet attentat qui a eu lieu dans la province d’Idlib: Hassan Abboud, fondateur et Émir du mouvement, Abou Talha Al Ghab, responsable militaire, Abou Ayman Ram Hamdane, ancien chef de la brigade Badr et responsable de la planification d’Ahrar Al Sham, Abou Abdel Malek Al Shari’, son responsable religieux, selon un décompte établi par le site Madaniya sur la base d’informations recueillies sur le terrain.

L’attentat s’est produit alors que les dirigeants salafistes tenaient une réunion dans la cave d’une maison super protégée appartenant à Abou Ayman Ram Hamdane, ancien chef de la brigade Badr et responsable de la planification à Ahrar Al Sham. Toutefois, trois autres responsables -Abou Moustapha Al Absi, membre du Bureau Politique du mouvement et deux responsables des secteurs de Der’aa et de Kuneïtra (sud du pays), absents de la réunion, comptent parmi les survivants, selon ce même décompte.

Il n’a été possible de déterminer le ou les auteurs de cet attentat, qui n’a pas été revendiqué. Ahrar Al Sham avait perdu, auparavant, son responsable d’Alep, Abou Khaled Al Souri (Mohamad Bahaya), classé numéro 4 sur la liste Al Qaida, dans un attentat suicide le 25 Février 2014. Dès le lendemain de cet attentat le groupement Ahrar Al Sham a nommé mercredi 10 juin 2015, Al’a Eddine As Sheikh, de son nom de guerre Abou Jaber, comme «Émir général» de ce groupement salafiste djihadiste et Abou Saleh At Tahhan, commandant militaire du mouvement.

La coalition la plus importante de l’opposition a nommé mercredi un chef rebelle islamiste soutenu par Ryad, Mohamed Allouche, du groupe armé rebelle Jaïch al-Islam, comme négociateur en chef.

Entretemps l’Arabie saoudite a placé Mohamad Allouche, un proche de Zahrane et son successeur à la tête de Jaych Al islam, comme négociateur en chef de la délégation de l’opposition pro-wahhabite aux pourparlers de paix de la Syrie. Allouche sera assisté d’Assaad Al-Zoabi, un pilote qui avait déserté avec son avion en août 2012 et de George Sabra, chef du Conseil national syrien.

Pour aller plus loin voir à ce propos «Les Frères Musulmans et les organisations takfiristes» où le rôle d’Ahrar Al Sham est abondamment traité:

Rapport de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (pdf)

La Rédaction

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