La grande solitude de la dynastie hachémite 1/3

La grande solitude de la dynastie hachémite 1/3 938 440 René Naba

La Jordanie devrait accueillir, fin Mars 2017, le prochain sommet arabe en substitution au Yémen ravagé par une guerre intestine, alors que le Royaume, longtemps le chouchou des pays occidentaux, paraît comme happé par l’œil du cyclone, à la croisée des chemins, pris en tenaille entre l’Irak et la Syrie, deux pays en pleine décomposition.

Amman avait abrité en 1980 et 1987 deux sommets arabes exclusivement consacrés au soutien arabe à l’Irak dans sa guerre contre l’Iran.

Objet d’une mesure de réclusion de la part des syndicats des pétromonarchies arabes, ce nouveau sommet devrait, dans l’esprit du trône hachémite, rompre sa grande solitude diplomatique à une époque de recomposition régionale, cent ans après les accords Sykes-Picot et de la promesse Balfour portant création d’un « Foyer National Juif » en Palestine.

Deux faits symptomatiques de cette tendance :

  • L’inclusion du Maroc, et non de la Jordanie, au syndicat des pétromonarchies à l’occasion du sommet du Golfe, en Avril 2016. Une mesure significative en ce que la dynastie chérifienne, l’unique monarchie du Maghreb de surcroît non pétrolière, est géographiquement située à l’extrémité du Monde arabe alors que la dynastie hachémite, l’unique monarchie arabe non pétrolière du Moyen-orient, est géographiquement plus proche du Golfe.
  • La superposition de près d’un million de réfugiés syriens à quelque trois millions de réfugiés palestiniens en réduisant à sa portion congrue la population jordanienne de souche, -les bédouins de Trans jordanie-, pourrait inciter des décideurs régionaux et internationaux à cibler la Jordanie comme « patrie du substitution » aux Palestiniens en guise de solde de tout compte d’un conflit qui a gangrené tout le long du XX me siècle et les premières décennies du XXIe siècle.

Ces deux faits font planer le risque d’un isolement stratégique du Royaume hachémite.

Une tendance amplifiée par le fait que le prochain roi de Jordanie, sauf accident de parcours, sera de souche palestinienne, en ce que le propre fils du Roi Abdallah II a pour mère, la Reine Rania, d’origine palestinienne. Et que son éventuelle accession au trône pourrait favoriser cette transmutation dans l’ordre symbolique.

Outre la rivalité légendaire entre Wahhabites et Hachémites, deux créatures du colonialisme britannique du XXe siècle, matérialisée par la lutte entre le Chérif Hussein Ben Ali de La Mecque et Abdel Aziz Ibn Séoud, l’Arabie saoudite tient rigueur de l’abstention de la Jordanie à la curée pétro monarchique déclenchée en mars 2015 contre le Yémen, le plus pauvre pays arabe.

Le déni de réalité comme mode de gouvernement

« Les failles du système de gouvernance » de la cour jordanienne face à des stratégies régionales et internationales visant à une recomposition du paysage politique régional» ont été pointées du doigt dans un rapport donc le directeur du site en ligne « Ar Rai Al Yom », l’influent journaliste Abdel Bari Atwane, en a eu connaissance.

Élitisme, Déni de réalité, Clientélisme

Le rapport mentionne « l’élitisme » des cercles dirigeants dont le comportement se fait en marge des institutions d’un état doté pourtant de structures anciennes et expérimentées. « La dénégation, le déni de réalité, de même que le muselage de toute contestation ou opposition constituent les éléments moteurs d’une politique de l’élite jordanienne (….). Les institutions de l’État, anciennes et expérimentées perdent ainsi de leur importance et de leur influence au profit de forces illusoires dont la politique se fonde sur une forme de clientélisme et d’allégeance personnelle».

Le rapport met en garde contre un possible « effondrement des structures de l’État désormais fragilisés par les comportements individualistes de certains grands décideurs y compris au sein des institutions réservées (armée, services de sécurité, ministère régalien). Un tel effondrement pourrait priver la Jordanie de sa capacité à s’imposer sur la scène régionale notamment sur des sujets sensibles tels que la coopération en matière de guerre contre le terrorisme ou de contrôle des frontières.

La promotion du « nationalisme sunnite en substitution au nationalisme arabe » et ses conséquences néfastes sur la Jordanie

La coopération militaire souterraine entre Israël et l’Arabie Saoudite dans le domaine de la défense balistique pourrait avoir pour conséquences indirectes la marginalisation de la Jordanie. 120 militaires israéliens seraient déployés en Arabie saoudite dans une base de missiles pour la renforcement du système de défense balistique tant du Royaume que d’Israël, face à l’Iran.

La décision de l’Arabie saoudite, d’autre part, de promouvoir un « nationalisme sunnite » en substitution au « nationalisme arabe » sous tend l’instauration implicite d’un « primat de la légitimité religieuse saoudienne au détriment de toute autre instance » arabe ou musulmane.

Le projet saoudien prévoit la constitution d’un « Interpol des pays musulmans » et d’un « OTAN des pays musulmans » afin de faire pièce aux structures occidentales, dont l’effet premier sur la Jordanie sera de reléguer le Royaume Hachémite à un rôle de comparse face à des puissances plus affirmées sur la scène régionale et internationale (Arabie saoudite, Turquie, Égypte, Pakistan).

« La démarche saoudienne pourrait autoriser, par contrecoup, le monarque wahhabite à revendiquer le monopole du combat contre l’ensemble du spectre des forces se réclamant de l’Islam politique : De la confrérie des Frères Musulmans, adversaire historique du pouvoir égyptien depuis la chute de la monarchie égyptienne, à Daech, excroissance djihadiste d’Al Qaida dont l’Arabie en a été l’incubateur », soutient le rapport.

Par sa coopération avec la Turquie, l’autre pôle de l’Islam non-arabe, l’Arabie saoudite a tendu à verrouiller son « leadership sunnite sur le plan religieux » et à évacuer tout concurrent éventuel, notamment la dynastie hachémite, qui se réclame de la descendance directe de la famille du prophète et qui pourrait faire les frais de cet arrangement.

Le monopole de la légitimité religieuse sunnite revendiquée par la dynastie wahhabite pourrait l’inciter à s’octroyer « un droit de regard sur les Lieux saints de Jérusalem (Mosquée Al Aqsa)», dont la gestion est confiée jusqu’à présent à la dynastie hachémite. Une démarche qui retentira comme un « Échec et Mat » pour les Hachémites.

Les Frères Musulmans de Jordanie, paravent à une transaction énergétique jordano-israélienne

En prévision du sommet arabe, le Roi Abdallah II a voulu se replacer dans le jeu régional en s’impliquant dans la recherche d’un règlement du conflit irakien en vue de l’édification d’un « État moderne post Daech », dans l’ancienne possession de la dynastie hachémite, destituée par le coup d’état républicain du 14 juillet 1958.

Face à la montée des périls, le Monarque, dans une opération de fausse symétrie destinée à complaire aux décideurs régionaux et à leurs maîtres occidentaux, a criminalisé le Hezbollah libanais (chiite) et ordonné la fermeture du siège de la branche jordanienne des Frères Musulmans (sunnite).

Dans une parodie de démocratie, il a toutefois autorisé les Frères Musulmans malgré l’interdiction qui les frappe, à se présenter, sous un « faux nez », aux élections législatives du 20 septembre 2016, leur attribuant selon un arrangement, une vingtaine de sièges.

Mais l’assassinat en plein jour d’un écrivain chrétien contestataire de renom, Nahed Hattar, -coupable de caricature non contre l’Islam, mais contre l’État Islamique- par un ancien imam jordanien, a mis à bas le subterfuge jordanien visant à promouvoir l’image d’un Royaume de tolérance, dans un environnement férocement intolérant.

Nahed Hattar se rendait à son procès pour « insulte » à l’islam, après avoir partagé sur son compte Facebook une caricature montrant un djihadiste barbu sur un lit, au paradis, s’adressant à Dieu comme à un simple serviteur. Son assassin, Riad Ismail Ahmad Abdallah, un ingénieur, haut fonctionnaire du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement, avait bénéficié d’un entraînement intensif en Syrie dans un camps de formation de « Jabhat An Nosra », la branche syrienne d’Al Qaida, indice d’une porosité des cadres de l’administration jordanienne avec les thèses djihadistes.

La réconciliation implicite entre le trône hachémite et la confrérie, matérialisée par le retour au parlement des Frères Musulmans, a servi de paravent à une transaction entre la Jordanie et Israël portant sur la ravitaillement énergétique du Royaume en gaz israélien. Ce contrat de 15 milliards de dollars assurera 40 pour cent des besoins énergétiques de la Jordanie sur 15 ans.

De par sa position charnière de trois pays déstabilisés par la séquence du « printemps arabe », qui lui sont frontaliers -l’Irak, via Daech, (181 kms de frontière commune), la Syrie (375 kms) et l’Arabie saoudite (786 kms)-, la Jordanie abrite le PC opérationnel conjoint islamo-atlantiste sur le front sud de la Syrie (Dera’a), mettant de surcroît à la disposition de la France la base « Prince Hassan » pour des raids aériens contre Daech, dans le nord de l’Irak, dans le cadre de l’opération « AL Chammal » (Nord).

La Jordanie, responsable de la mort d’Abou Mouss’ab Al Zarkaoui, en point de mire de Daech

Mais la Jordanie demeure à triple titre en ligne de mire de Daech tant par sa fonction de plate forme de la guerre anti-Daech, que pour son engagement direct dans des combats en Libye, en Somalie et en Irak, et dernier le moindre, et pour sa responsabilité dans l’élimination du « père spirituel » de l’organisation djihadiste, Abou Mouss’ab Al Zarkaoui, palestinien originaire de la ville de Zarka, tué en Irak lors du soulèvement contre les forces d’invasion américaines de l’Irak.

Le Royaume est de ce fait la cible régulière des coups de butoir de Daech. Le supplice du pilote jordanien tombé entre ses mains, en 2014, qui se voulait un coup de semonce à ses adversaires, demeure dans les mémoires.

En 2016, cinq attentats pro Daech ont été dénombrés : le premier à Irbid, nord de la Jordanie, en février, où un capitaine a été tué ; Le deuxième a eu lieu en plein Ramadan en juin au camp palestinien de Baqua’a, à la périphérie d’Amman, où 5 officiers des services de renseignements jordaniens ont été tués ; Le 3e, également en plein Ramadan, à la frontière syro-jordanienne où 6 gardes-frontières jordaniens ont été tués et 14 autres blessés, le 21 juin, dans un attentat à la voiture piégée contre leur position.

Le 4e, le 4 novembre, à proximité d’une base américaine à Al Joffra, sud de la Jordanie où 3 soldats américains et un officier jordanien ont été tués. Le 5 me, enfin, le 18 décembre, contre un poste de poste de police d’Al Kark, à 180 km au sud d’Amman, faisant 7 tués dont une touriste canadienne et quatre membres des forces de sécurité.

Une percée de l’organisation djihadiste en Jordanie viserait à galvaniser les vocations latentes de volontaires des camps palestiniens du Royaume, et, par contrecoup, faire planer un risque sur l’Arabie saoudite.

La corruption, la gangrène du Royaume

L’implication de membres des services de renseignements jordaniens dans le dernier attentat de Daech, le 21 juin 2016, le trafic d’armes auxquels ils se sont livrés sur le stock des armes américaines destiné à l’opposition syrienne, a mis en lumière et la vulnérabilité des services jordaniens et leur porosité face aux thèses djihadistes.

Deux gradés des SR ont été condamnés à des peines de prison pour corruption et blanchiment d’argent : le général Samih Battikh, le chef des services, et son successeur, le général Mohammad Al Zohbi, alors qu’une large fraction de l’aide américaine à l’opposition syrienne a produit des effets inverses.

De l’ordre de 450 millions de dollars, l’aide américaine a été affectée à la formation et à l’équipement de forces spéciales syriennes en Jordanie et en Turquie en vue de combattre les groupements djihadistes.

Contre toute attente, la majorité des rebelles, du fait de la corruption et de la couardise des recrues, a rallié avec armes et bagages les groupements djihadistes, leur livrant même le mode opératoire auquel ils ont été initiés. Les djihadistes pousseront même la perversité jusqu’à vendre sur Face book les armes récupérées sur l’arsenal américain, sans qu’il ait été possible de déterminer si ce geste relevait de l’inconsistance politique et morale, de leur inconscience provocatrice ou plus basiquement de leur appât du gain.

Dans un discours prononcé le 15 octobre 2016 au lendemain des élections législatives, le Roi Abdalah II a précisé la feuille du route du nouveau gouvernement visant à l’instauration d’un « État de Droit » par la restauration de la « souveraineté de la Loi », fustigeant au passage « ceux qui se considèrent comme au dessus des lois». Il a invité le gouvernement à accélérer la modernisation de l’administration en renonçant à son mode de gestion féodal.

Dans la foulée, le Roi Abdallah II a entrepris une « Révolution en douceur » impliquant les principaux rouages de l’État (Armée, Services de sécurité et de Police, Justice et grands ministères dont le ministère de l’enseignement), afin d’éradiquer les baronnies qui se nichaient dans les centres de pouvoir et qui pouvaient à terme menacer son pouvoir.

Dès son entrée en fonction, à l’automne 2016, le nouveau chef d’état major jordanien, le Général Mahmoud Freyhat, a annulé d’un trait de plume treize contrats liant à l’armée des personnalités en vue, parmi lesquels le fils de son propre prédécesseur, le Général Mech’al Al Zibin.

L’Uranium jordanien, un casse tête diplomatique

Sur fond de rivalité feutrée entre les deux royaumes, -Arabie saoudite et Jordanie- pour le contrôle de Jabhat An Nosra, l’exclusion de la Jordanie du syndicat pétro monarchique arabe, lors de leur dernier sommet en avril 2016 à Riyad, est apparu rétrospectivement comme une manœuvre d’étranglement de la dynastie wahhabite à l’égard de sa rivale hachémite afin de la placer sous sa coupe.

Et partant de la forcer à souscrire à une coopération saoudo-jordanienne, selon les normes bédouines du code tribal du désert d’Arabie, dans le domaine ultra sensible du nucléaire, alors que le Royaume saoudien songe à se doter d’une capacité nucléaire pour faire pièce à l’Iran.

Des promesses de l’ordre de plusieurs centaines de milliards de dollars sur le court et le moyen terme auraient été faites à la Jordanie, qui accuse un déficit public de 35 milliards de dollars. Le Royaume représente dans le même temps la première digue de défense des pétromonarchies dans l’hypothèse de l’effondrement de la Syrie face aux coups de butoirs des djihadistes.

Le coup de semonce de « The Washington Institute for Near East Policy »

Dans une étude parue au printemps 2016, « The Washington Institute for Near East Policy », un think tank proche du parti républicain, s’interrogeait sur « le prix occulte » que l’Arabie saoudite réclamait à la Jordanie en contrepartie de sa générosité, alors que le Royaume Hachémite avait été tenu à l’écart des conciliabules inter-monarchiques de Riyad. « Quel prix occulte, pour quel agenda caché ?», se demandait la publication américaine, dans une allusion à peine voilée au nucléaire jordanien.
« The Washington Institute For Near East Policy » ou (WINEAP) a été fondée en 1985 par Martin Indick, à l’époque directeur adjoint de l’AIPACC), précieusement avec des fonds de donateurs de plus influent lobby américain aux États-Unis. Citoyen australien, naturalisé américain, Martin Indyck sera par la suite ambassadeur des États-Unis en Israël.

Au prétexte de la sécurité d’Israël, les États-Unis ont constamment veillé à barrer la voie aux pays arabes à accéder à la capacité nucléaire. L’Égypte a dû ainsi attendre trente ans le feu vert américain pour se lancer dans le nucléaire civil ; une autorisation accordée lorsque l’Iran est devenue une puissance du seuil nucléaire, enregistrant un considérable retard scientifique par rapport aux autres grands acteurs régionaux.

Les États-Unis ont cherché de même à imposer à la Jordanie un accord qui autoriserait le Royaume à extraire l’uranium qu’il recèle en son sol, tout en lui interdisant de le transformer en combustible. Cette exigence réduit également toute possibilité pour la Jordanie de devenir un centre régional d’enrichissement d’uranium.

La Jordanie, habituellement docile à l’égard des Diktats américains, fait face à un dilemme. Elle a commencé à développer les infrastructures nécessaires pour répondre à ses ambitions nucléaires et prévoit la construction de sa première centrale en 2019. AREVA (France) a signé en 2010 un accord d’exploitation conjointe pour l’extraction de l’uranium dans le centre de la Jordanie dans le cadre d’une concession accordée pour 25 ans.

Bien qu’antérieure à l’émergence de l’Iran comme puissance nucléaire virtuelle, la forte concentration militaire occidentale dans le golfe arabo-persique a constamment été présentée dans les médias occidentaux comme destinée à protéger les princes du pétrole contre les convoitises du régime islamique de Téhéran, à l’effet de les dispenser de se doter de leur propre bouclier atomique.

Aubaine pour la Jordanie, un pays impécunieux et dépourvu de pétrole, les gisements d’uranium, par les convoitises qu’ils ne manqueront pas de susciter, pourraient se révéler sinon une malédiction à tout le moins un casse tête récurrent tant pour le Royaume que pour la dynastie hachémite

Le prix de la servitude jordanienne face à l’Occident

Premier dirigeant du Moyen orient à avoir rencontré le nouveau Président américain Donald Trump, la Jordanie paraît avoir amorcé un recentrage de sa politique : L’aviation jordanienne a effectué un raid contre les positions de Daech dans le sud de la Syrie, le 3 Février 2015, à la date anniversaire de la carbonisation par l’organisation djihadiste du pilote jordanien, Moaz Al Kassabah. L’avion avait été abattu au dessus de la Syrie par Daech, le 3 Février 2015, et son pilote capturé a été brûlé vif, en guise de châtiment.

Tirant les leçons des déboires de la Turquie sur le Front Nord, la Jordanie s’emploie activement depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir à aménager une zone de sécurité dans le sud du Royaume, dans le secteur de Deraa, avec l’accord de la Russie, en vue de contenir la poussée djihadiste, avec comme objectif sous-jacent de maintenir à distance le Hezbollah Libanais du plateau du Golan. En un mot de se faire le gendarme des Israéliens à leur frontière septentrionale et justifier ainsi son utilité au regard de la stratégie israélo-américaine.

Ployant sous le fardeau représenté par la présence sur son sol de près de 800.000 réfugies syriens, une opinion travaillée par un fort courant confrérique de tendance salafiste takfiriste, un mécontentement qui va bien au delà des traditionnels contestataires anti-monarchiques pour gagner la sphère tribale et militaire, les deux piliers du régime, la Jordanie est à la recherche d’une nouvelle posture d’autant plus impérativement que le malaise jusque là contenue a éclate au grand jour avec la sortie de l’Imam Ahmad Halil, dénonçant le manque de solidarité des monarchies.

Personnalité la plus influente du Royaume sur le plan religieux, « l’Imam des Palais Royaux » a accusé les pétromonarchies de chercher à provoquer la faillite de la Jordanie et de la précipiter dans le précipice, à l’instar de la Libye et de la Syrie.

Signe d’un timide dégel syro jordanien ? Démarche destinée à signifier aux pétromonarchies la possibilité du trône hachémite de rompre le front monarchique anti syrien ? Volonté de prendre en compte les nouvelles réalités géostratégiques de la zone avec le retour en force de la Russie sur l’échiquier du Moyen orient ? En tout état de cause l’indice d’une grande incertitude ; d’une politique aléatoire adaptable au gré des vents.

Le plus ancien servant du Royaume Uni de l’époque coloniale a bénéficié pour prime de sa servitude -servilité ?- de la gratification de trois royaumes (Le Hedjaz, l’Irak et la Jordanie), dont il n’en subsiste cent ans après, qu’un et unique royaume, la Jordanie.

Le plus ancien allié clandestin d’Israël dans le Monde arabe a puissamment contribué à affaiblir son propre camp, en dépit de l’assassinat du Roi Abdallah I dans l’enceinte même de la Mosquée Al Aqsa de Jérusalem (1948), que cela soit par le massacre collectif de Palestiniens lors du « Septembre Noir » jordanien (1970), ou les fuites du Roi Hussein en direction de l’état major israélien sur les préparatifs de la guerre d’octobre 1973, sans la moindre contrepartie que la survie de son trône.

L’allié majeur d’Israël dans le Monde arabe, son paratonnerre face aux menées anti israéliennes dans la zone, le plus fervent soutien des équipées américaines en terre arabe, comme l’illustre le rôle tremplin de la Jordanie à l’invasion américaine de l’Irak (2003), et sa fonction déstabilisatrice sur le front sud de la Syrie, en 2012-2016, se retrouve ainsi à l’occasion du centenaire des accords Sykes-Picot et de la promesse Balfour, à la recherche d’un nouveau rôle d’appoint.

Absorption du reliquat de la Palestine par le trône hachémite ou subversion du Royaume par la majorité palestinienne de la population jordanienne ? Dans le sillage de la stratégie israélo-américaine pour sa survie ? Dans le sillage de l’Arabie saoudite, au risque de s’engager dans une zone de forte turbulence ?

Avec en perspective son lot habituel d’opération de déstabilisation, de guerre psychologique, de manœuvres d’intoxication et de désinformation, pour ramener au bercail occidental la brebis égarée, qui sera un temps -le temps de sa rédemption-, une brebis galeuse ?

L’initiateur de la « Grande Révolution Arabe » se révèle un siècle plus tard l’artisan de la plus « grande mystification arabe », l’un des principaux fossoyeurs de la cause arabe, au même titre que ses rivaux saoudiens, la dynastie wahhabite et le Libyen Mouammar Kadhafi.

Papier co-publié en partenariat avec la revue Afrique Asie http://www.afrique-asie.fr/

Pour aller plus loin sur la dynastie hachémite et sur la Jordanie
Illustration

Portrait de l’écrivain-chroniqueur Nahed Hattar, assassiné dimanche 25 septembre à Amman, en Jordanie

René Naba

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l'AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l'information, membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme et de l'Association d'amitié euro-arabe. Auteur de "L'Arabie saoudite, un royaume des ténèbres" (Golias), "Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français" (Harmattan), "Hariri, de père en fils, hommes d'affaires, premiers ministres (Harmattan), "Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David" (Bachari), "Média et Démocratie, la captation de l'imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l'Association d'amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Editorialiste Radio Galère 88.4 FM Marseille Emissions Harragas, tous les jeudis 16-16H30, émission briseuse de tabous. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.

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