La vente des clubs français à des investisseurs étrangers: chance ou périls ?

La vente des clubs français à des investisseurs étrangers: chance ou périls ? 1600 980 Serge & Michel Pautot
Du sport en guise de ravalement cosmétique

Note de la rédaction https://www.madaniya.info/ : L’Arabie saoudite a envisagé le projet d’entrer dans le capital du Manchester United dans le cadre d’une politique visant à bonifier l’image du Royaume gravement endommagé par l’équarrissage du journaliste saoudien Jamal Khashoogi, assassiné au consulat saoudien d’Istanbul, en octobre 2018. Mais cette opération de ravalement cosmétique via le foot anglais s’est heurtée à une fin de non-recevoir des britanniques peu soucieux de conférer un droit de cité à un acteur sulfureux dans une institution phare du sport, le prestigieux Manchester United.

Mohamad Ben Salmane, prince héritier saoudien, souhaitait que la transaction soit conclue en 2019. Il s’est appliqué, en vain, à convaincre les dirigeants du plus riche club anglais de foot de céder une part des actions qu’ils y détiennent afin de permettre au Royaume saoudien d’entrer au capital des « Diables Rouges».

L’information a été rapportée mardi 26 février 2019 par le grand journal libanais Al Akhbar, dont le lien pour le lectorat arabophone se trouve ci-joint.

ll s’est même susurré que l’Arabie saoudite, outrée par le succès médiatique du Qatar grâce au PSG (Paris Saint Germain), aurait songé à damer le pion à son frère ennemi pétro monarchique avec lequel elle est en guerre ouverte.

Le royaume aurait songé à acquérir un grand club de Sud de la France, -Marseille-, en raison de la forte charge symbolique que ce nom porte dans la planète foot et sa posture contestataire dans l’imaginaire politique français.

Le royaume voulait mettre en piste le prince milliardaire Walid Ben Talal.

Mohamad Ben Salmane, le sanguinaire et fougueux prince héritier saoudien était en embuscade. Ayant eu vent de l’affaire, MBS en aurait pris ombrage. Il a emprisonné le prince au Ritz Carlton, en novembre 2017, en compagnie de 130 princes et investisseurs saoudiens dont Saad Hariri, le premier ministre du Liban, lestant au passage le Prince Walid de 5 milliards de dollars sur une fortune estimée à 19 milliards, au titre de la lutte contre la corruption….

Mais embourbé dans une coûteuse guerre au Yémen, en difficulté en Syrie et au Liban, en lutte pour un leadership spirituel du Monde musulman face à l’Iran, le royaume wahhabite aurait mis en veilleuse son projet, ouvrant la voie à l’entrée d’un investisseur américain au capital de l’OM … épargnant ainsi à La Canebière un nouveau pastis wahhabite.

Sur le même registre

PSG-Manchester City: Les deux demi finalistes de la dernière édition de l’UEFA 2021 sont deux clubs détenus par des puissances du Golfe se sont opposés au sujet de l’avenir du football.

Propriétés du Qatar (PSG) et des Émirats arabes unis (Manchester City), deux États rivaux, ces poids lourds du ballon rond se sont également retrouvés dans des camps opposés sur la scène politique du football européen à l’occasion du projet de création de la Super League.

Ces deux petits États conservateurs de la péninsule Arabique, riches en hydrocarbures, qui ont des alliés proches en Occident et dont le bilan en matière de droits de l’homme laisse grandement à désirer. Les deux États du Golfe, à la fois semblables et différents, s’accordent cependant sur un point: le pouvoir du sport pour se faire des amis et influencer les esprits.

En 2008, le cheikh Mansour ben Zayed al-Nahyane, membre éminent de la famille dirigeante d’Abou Dabi et du gouvernement émirati, a décidé de s’offrir la deuxième équipe de football de Manchester, devenue du jour au lendemain l’un des clubs les plus riches du monde. En l’espace d’une décennie, les deux États ont injecté plus d’un milliard de dollars dans ces clubs, devenus les meilleurs d’Angleterre et de France. Les deux richissimes géants, qui règnent en maîtres dans leur championnat et en coupe nationale, convoitent le titre continental suprême qui leur échappe jusqu’à présent.

Les Émiratis tout comme les Qataris, qui font depuis longtemps l’objet de critiques pour leur politique étrangère et leur bilan interne en matière de droits de l’homme, voient dans le sport une occasion de changer la donne.

Fin de la note


La vente des clubs français à des investisseurs étrangers: chance ou périls? (Legisport n°136 (Mars – Avril 2019)

Par Michel Pautot

Le verdict est sans appel: le fait que des investisseurs aient pris la direction des clubs français de football est une mauvaise chose pour une majorité de Français, selon un sondage RTL-Odoxa-Groupama de la saison 2017-2018 de la Ligue 1. Soixante-douze pour cent (72%) ont une opinion négative de ce fait.

Néanmoins, grand paradoxe, la France du football aiguise les appétits et de de plus en plus de clubs sont rachetés par des investisseurs étrangers, le Paris Saint-Germain (Qatar) qui aspire à remporter la Ligue des Champions, Monaco (Russie), dernier demi-finaliste français de la Ligue des Champions, Marseille (USA), dernier finaliste français de la Ligue Europa, Nice (Chine-USA), puis en 2019 le Royaume UNI, sans oublier Lille, deuxième de la Ligue 1. Et les Girondins de Bordeaux passés sous pavillon américain il y a peu. C’est la preuve que la mondialisation du sport gagne du terrain!

Mais le football français appartient-il à la France?

Si certains voient dans cette évolution un démembrement ou une déperdition du patrimoine national du football, d’autres y voient au contraire la force de l’attractivité économique de la France. D’ailleurs, le 21 Janvier 2019, au Château de Versailles, le Président de la République Emmanuel Macron réunissait lors du sommet «Choose France» plus de cent cinquante dirigeants de groupes économiques internationaux dans le but de promouvoir l’attractivité de la France afin de capter leur attention sur le chemin de Davos et mettre l’accent sur la valorisation des territoires français auprès de ces investisseurs étrangers. Le football est une belle illustration.

Dix clubs français, de régions et celui de la capitale, ont fait l’objet de ces investissements étrangers. Les intentions véritables de ces investisseurs ne sont pas toutes les mêmes et peuvent varier, rechercher une notoriété, pénétrer des marchés, revendre des joueurs, gagner des titres… Et pourquoi pas obtenir une naturalisation, sait-on jamais.

Si l’on regarde l’histoire du football français, trois équipes ont marqué les esprits.

Le Stade de Reims, finaliste de Ligue des Champions en 1956 et 1959 contre le Real Madrid, l’AS Saint-Etienne, finaliste en 1976 contre le Bayern Munich, puis l’Olympique de Marseille, finaliste en 1991 contre l’Etoile Rouge Belgrade puis vainqueur en 1993 contre le Milan AC.

Avec à leur tête chacun, un «boss» français: Henri Germain, Roger Rocher et Bernard Tapie. Aujourd’hui, la donne a changé et le football est un marché financier aujourd’hui très mondialisé. Des résistances dans des contextes locaux se sont manifestées avec des associations de supporters. Ce sont eux qui ont permis le développement du club et qui justifient leur existence, mais quel poids ont-ils devant des milliardaires qui veulent racheter des clubs.

Dans l’entretien à LEGISPORT, Pape Diouf, peu de temps avant son décès, l’ancien Président de l’Olympique de Marseille explique pourquoi des clubs en Espagne comme le Réal Madrid et le FC Barcelone peuvent résister aux investisseurs étrangers.

Mais revenons à la France, au moment de boucler cet éditorial, nous lisons le 12 Février 2019 dans La Montagne.fr: «trois mois après l’annonce par Claude Michy de la vente du Clermont Foot, on en sait plus sur le nouveau visage qu’arborera le club auvergnat avec le Suisse Ahmet Schaefer à sa tête». Un nouvel acquéreur étranger de plus!

Les convoitises des investisseurs étrangers dans le football

Le club de football de Grenoble repris par des investisseurs japonais! Qui aurait imaginé une telle possibilité dans la décennie 1960 ou même dans la décennie 1980? Personne. Et pourtant… la décennie 2.000 l’a permis.

Le quotidien Libération titrait le 11 Janvier 2006: «Foot: l’opérateur nippon de téléphone Index a racheté le club isérois de Ligue 2 en 2004. Malgré les différences de culture, il compte le mener au sommet. Les 8 millions d’euros injectés dans le club GF38 étaient une goutte d’eau au regard des investissements lourds d’Index Corporation».

Cependant, cette «nipponisation» du club français n’a pas été très heureuse. Index Corporation n’a pas épongé la dette du club qui a déposé son bilan au Tribunal de Commerce de Grenoble et le club a été rétrogradé en CFA par la DNCG en Juillet 2011. Aujourd’hui, le club de Grenoble est en Ligue 2 et l’aventure japonaise a été un échec.

Avant Grenoble, précisons que dejà le groupe américain IMG spécialisé dans le management sportif avait repris les destinées du Racing Club de Starsbourg de 1997 à 2003 avec le français Patrick Proisy, ancien joueur de tennis devenu président du club. Là encore, ce fut un échec malgré une Coupe de France remportée en 2001.

Mais l’opération la plus importante de rachat d’un club de football en France a été celle du Paris Saint Germain par Colony Capital, fonds d’investissement américain en 2006 puis par Qatar Investment Authority en 2011. Présidé par Nasser Al-Khelaïfi, PSG est le club phare du Championnat de France de Ligue 1 de football et a pris une dimension internationale de premier plan même s’il n’a pas encore atteint tous ses objectifs, comme celui de remporter la Ligue des Champions.

La décennie 2000 va constituer une période où le football va se transformer, en richesses, influences et puissances, grâce à la l’expansion de la Coupe du Monde et à la montée en puissance de la Ligue des Champions, de même que la formidable expansion des revenus liés à la télévision et aux contrats publicitaires.

De même, un Championnat va devenir le plus riche au monde, celui de la Premier League en Angleterre, avec les droits TV, la cotation en bourse de certains de ses clubs et le rachat des ceux-ci par des industriels et hommes d’affaires étrangers qui vont faire basculer le football dans le business avec des sommes astronomiques.

Mohamad Al-Fayed, homme d’affaires égyptien, à l’époque propriétaire de l’Hôtel Ritz à Paris et du magasin de luxe à Londres Harrods, rachète le club de Fulham en 1997 dont le stade n’est d’ailleurs pas très éloigné d’…Harrods

Six années plus tard, le rachat de Chelsea, un autre club londonien proche de Fulham, situé à Fulham Road!!!, va bouleverser le paysage du football en Europe.

En effet, l’homme d’affaires russe Roman Abramovitch rachète le club de Chelsea en 2003. Son objectif est clair, à la lecture du site BBC news: «Nous sommes ravis avec cet accord d’acquérir ce qui est déjà un des meilleurs clubs d’Europe. Nous avons les ressources et l’ambition pour atteindre encore plus, compte-tenu de l’énorme potentiel de ce grand club».

Effectivement, Chelsea va obtenir la consécration européenne avec la Ligue des Champions en 2012.

D’autres clubs de Premier League, plus prestigieux, tels Manchester United et Liverpool, multiples anciens vainqueurs de la Ligue des Champions, vont passer sous la coupe d’hommes d’affaires américains.

Et d’autres clubs avec des investisseurs de distinctes nationalités:

  • Manchester United en 2005: Malcom Glazer, homme d’affaires américain, investi dans le football américain avec les Buccaneers de Tampa Bay;
  • Aston Villa en 2006 : Randy Lerner, hommes d’affaires américain, investi dans le football américain avec les Cleveland Browns;
  • Portsmouth: Alexandre Gaydamak, homme d’affaires franco-israélien, d’origine russe;
  • West Ham, en 2006, Eggert Magnusson, homme d’affaires islandais, qui deviendra par la suite Président de la Fédération islamdaise de football.
  • Liverpool en 2007: George N. Gillet Jr, homme d’affaires américain, investi dans le hockey sur glace avec les Canadiens de Montréal et le sport automobile avec Gillett Evernham Motorsports et Tom Hicks, homme d’affaires américain, investi dans le hockey sur glace avec Dallas Star;
  • Manchester City en 2007: Thaksin Shinawatra, ancien Premier Ministre thaïlandais.
Entre exposition médiatique, chauvinisme, perte d’identité…et critiques

-Lors du Colloque organisé par LEGISPORT à Marseille le 8 Décembre 2006, Marcel Desailly, Champion du Monde de football avec l’équipe de France et ancien joueur de Chelsea, a donné son avis sur la prise de participation des investisseurs et hommes d’affaires étrangers dans les clubs de Premier League: «La Premier League bénéficie d’une formidable exposition internationale.

L’irruption de Roman Abramovitch dans le foot anglais n’a nullement déséquilibré ce sport, tant en Europe qu’en Angleterre, bien au contraire. Chelsea est aujourd’hui devenu un des plus grands clubs en Europe grâce à lui».

A -La Premier League, un modèle à suivre?

«La fascinante Premier League déferle sur le monde, autant qu’elle l’attire à elle, qu’il s’agisse des joueurs étrangers aux salaires quadruplés…ou des investisseurs parfois exotiques..» (British Empire, J.M. Brochen, L’Equipe Magazine).

«La Premier League n’est plus anglaise parce que joueurs, coaches et proprios ne sont même plus anglais» (T. Marchand, France Football).

Mais l’une des critiques les plus importantes a été celle de Michel Platini, à l’époque Président de l’UEFA qui lors d’un entretien donné à la chaîne britannique Sky Sports News en Août 2007 déclare: «Je ne comprends pas pourquoi vous (les Anglais) laissez des investisseurs étrangers acheter vos clubs. Je n’aime pas ça. Il faut que vous défendiez votre identité. Les Américains, les Russes ne viennent pas par amour du football mais pour faire de l’argent. Les Anglais font ce qu’ils veulent mais je n’aime pas ça. Je pense qu’il faudrait des lois dans votre pays pour empêcher de telles choses d’arriver. Mais ce n’est que mon point de vue» (Les Echos.fr).

B – Préconisations restées sans effet.

Lorsque le PSG a été racheté par le Qatar, Chantal Jouanno, alors Ministre des sports, interrogée sur le site internet du Journal du Dimanche le 3 Juin 2011, précise: «Je ne veux pas préjuger de ce que vont faire ces investisseurs. Pour autant, on préfère toujours que nos clubs restent sous des capitaux français, c’est notre côté chauvin. Mais le plus important, c’est vraiment qu’ils ne remettent pas en cause tout le travail effectué par Robin Leproux…».

A la question «N’est-ce pas aussi un aveu de faiblesse du football français que de voir le club de la capitale accueillir des investisseurs étrangers comme le messie, ou presque ?»,

Elle répond:«Cette évolution est la marque des faiblesses d’un modèle économique, c’est vrai. Certains clubs apparaissent un peu comme le tonneau des Danaïdes, avec des déficits permanents. On ne peut pas continuer dans un système où les clubs n’ont pas de vrais actifs immobiliers et dépensent essentiellement en masse salariale.

C’est la raison pour laquelle on a soutenu la proposition de loi, adoptée à l’unanimité au Sénat lundi soir, qui prévoit entre autres que les fédérations puissent mettre en place un système de salary cap».

-Interrogé sur le site internet d’Ouest France le 8 Novembre 2016, à la question «Comment percevez-vous l’arrivée de capitaux étrangers?», Noël Le Graët, Président de la Fédération Française de Football (FFF) précise: «Pour le moment, l’afflux d’argent, il n’y a que le PSG, et ça se passe très bien. Il réussit à avoir une très belle équipe, très proche des grandes équipes européennes. A Lyon, c’est un actionnariat minoritaire, cette formule me plaît bien…Par contre, que tous nos clubs se vendent aux étrangers demain, non, je suis plutôt fâché…

Il ne faut pas quinze clubs avec des capitaux venant de ne je sais où, ce n’est pas jouable. La ligue allemande a interdit aux capitaux étrangers d’être majoritaires. Ça me plait bien».

A la question «Pourriez-vous l’envisager?», il répond: «On pourrait mais je ne vais pas le faire. Mais je préfère ça à ce que tous nos clubs soient bradés. On a l’impression que tout à coup il n’y a que des bons Chinois et des mauvais Français».

Actionnaires ou Sponsors?

Le sponsoring, technique marketing bien connue pour augmenter la notoriété d’une marque, renforcer l’image d’un produit ou d’une société, est un acte commercial qui n’a rien à voir avec l’actionnariat.

Ses formes sont variées: achat de panneaux publicitaires, fournitures d’équipements, apposition du nom sur les maillots, participations financières à l’organisation d’un évènement sportif, ou encore plus récemment, le «naming» qui consiste à donner son nom à une équipe ou à un stade. Bien évidemment, le sponsor attend en retour des retombées sur ses ventes, sa notoriété…

Par exemple, dans un communiqué, Axa indique avoir signé un contrat de partenariat avec Liverpool, ce qui va lui offrir une excellente visibilité mondiale et lui permettre d’améliorer son image auprès des amateurs de sport du monde entier.

C’est tout particulièrement vrai en Asie où la Premier League bénéficie d’un public exceptionnel.

Et aujourd’hui, le sponsoring actionnarial!

Certains sponsors veulent aller plus loin avec le sponsoring actionnarial !!! C’est l’entrée des propres sponsors dans le capital du club. Cela marche très bien en Allemagne notamment avec le Borussia Dortmund (Les clubs de football séduits par le sponsoring actionnarial, AFP, 20 Minutes). Stratégie nouvelle et à suivre pour les clubs.

Pour aller plus loin sur ce sujet
Lien

https://legisport.com/index.php/2019/02/18/parution-du-n136-de-legisport-la-vente-des-clubs-francais-a-des-investisseurs-etrangers-chance-ou-peril/

Serge & Michel Pautot

Avocats au barreau de Marseille, spécialistes du Droit du Sport, Rédacteurs en chef de LEGISPORT

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