Le Liban en contrechamp 3/5 : Le leadership maronite, de la félonie comme marque de fabrique

Le Liban en contrechamp 3/5 : Le leadership maronite, de la félonie comme marque de fabrique 1197 740 René Naba

A Ziad Rahbani, In Memoriam

A Ziad Rahbani, fils de la grande vedette de la chanson arabe Fairouz, décédé en juillet 2025, pour son éminente contribution à la critique des mœurs sulfureuses libanaises.


Ce dossier en cinq volets est publié à l’occasion de la mort, le 28 septembre 2024, de Sayyed Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah Libanais,la formation paramilitaire chiite libanaise et animateur de la résistance anti-israélienne à l’échelle du Monde arabe.


Note de la rédaction de https://www.madaniya.info/

Le contrechamp est une prise de vue effectuée d’un point symétriquement inverse d’une autre prise de vue; le plan ainsi filmé est monté en alternance. En recourant à cette technique narrative, l’auteur de ce texte se propose de procéder à une lecture non conformiste de l’histoire du Liban, chouchou de l’occident…. A une lecture non conforme à l’image véhiculée par les médias occidentaux, qui relève davantage des plaquettes publicitaires que de la sombre réalité de ce pays. Fin de la note.

Le leadership maronite : de la félonie comme marque de fabrique.

Le ver était dans le fruit et les dés pipés. L’Église maronite avait conclu un pacte secret avec l’Agence juive, bien avant l’indépendance du Liban et la création d’Israël, sous la magistère du Patriarche Antoine Arida, mue par une haine viscérale des Arabes et des Musulmans, quand bien même les arabes chrétiens avaient grandement contribué à la renaissance intellectuelle et politique du Monde arabe et de son affranchissement du joug ottoman, quand bien même le moine fondateur de leur Église était originaire de Syrie.

Le Pacte National qui scellait la coexistence islamo-chrétienne au Liban et aménageait la répartition du pouvoir sur une base confessionnelle, était dès lors d’autant plus biaisé par la collaboration clandestine judéo-maronite que la communauté maronite détenait les postes clés du pouvoir (Présidence de la République, Commandement en Chef de l’armée, Gouverneur de la Banque Centrale), réduisant le partenaire musulman sunnite, en l’occurrence le premier ministre, à un rôle marginal.

A propos des Maronites

A propos du pacte national

A propos du pacte secret de l’Église maronite avec l’Agence juive, cf ce lien

A propos de la contribution des arabes chrétiens à la renaissance du Monde arabe, cf ce lien:

Le premier signe de cette connivence s’est manifesté à l’occasion de l’agression tripartite franco-anglo-israélienne de Suez, en 1956, lorsque le président Camille Chamoun (maronite) a refusé de rompre ses relations diplomatiques avec la France et la Grande Bretagne par solidarité avec l’Égypte, victime d’une expédition punitive de la part des deux puissances coloniales européennes de l’époque en tandem avec Israël, en représailles à la décision du président Gamal Abdel Nasser de nationaliser le Canal de Suez. Le Liban avait d’ailleurs été le seul état arabe à se soustraire à la décision collective arabe.

Tout au long des 32 premières années de l’Indépendance libanaise, la prééminence maronite dans la vie publique libanaise était sans contestation possible.

2- La guerre civile libanaise et la collusion publique entre le leadership maronite et Israël

La donne a changé avec la guerre civile libanaise (1975-2000). Dès le début de la guerre, en avril 1975, deux officiers de l’armée libanaise, de confession maronite, feront défection pour faire office de garde chiourme des Israéliens dans la région frontalière, enrôlant des supplétifs pour l’accomplissement de leur besogne: Le commandant Saad Haddad, premier chef de l’Armée du Sud Liban, et le Général Antoine Lahad, son successeur.

A- Le commandant Saad Haddad, la haine anti palestinienne du fondateur de l’ALS 

Saad Haddad (1936-1984), alors en stage à l’arme blindée en France, le premier, mordit à l’hameçon en la personne d’une jeune dame dont il s’éprendra. La prise n’était pas innocente.  L’idylle forgera entre les deux tourtereaux une alliance indéfectible qui conduira le libanais à se lier «de manière éternelle à Israël», à son déshonneur et à sa perte.

Mus exclusivement par une haine anti-palestinienne, cet officier de l’Armée libanaise chargé de commander un bataillon pour combattre les miliciens de l’Organisation de Libération de la Palestine au Sud Liban fera défection et ralliera Israël, un pays pourtant considéré à l’époque comme l’ennemi officiel du Monde arabe et l’usurpateur de la Palestine.

A la tête de l’Armée du Liban–Sud, constituée pour l’essentiel de chrétiens recrutés dans Marjeyoun et Qlaya’a, une ville qui dispose d’une importante caserne militaire, Saad Haddad se vivra non comme le symbole de l’autorité libanaise dans la région frontalière, mais comme le représentant de l’État hébreu dans le Sud-Liban occupé, dans la «zone de sécurité» créée après l’invasion de 1982.

En fait, il fera office de garde-chiourme des bourreaux des Palestiniens et du déstabilisateur du Liban. Sa sale besogne faite, il décédera de cancer à 48 ans, sans connaître les avatars de l‘armée israélienne au Liban, son dégagement contraint et forcé sous les coups de boutoirs de la Résistance libanaise fédérée autour du Hezbollah libanais et ses partenaires les communistes libanais et le Parti Syrien National Social (PSNS).

La veuve de Saad Haddad demeurera fidèle à la patrie d’adoption de son époux, Israël. Sa fille, une scientifique, plutôt que d’affronter l’opprobre éternel des Libanais, a préféré se diluer dans l’anonymat de la société israélienne, conclusion logique du parcours erratique de son géniteur

B- Antoine Lahad: un trafiquant, fondateur du centre de détention de Khiyam.

Antoine Lahad, le successeur de Saad Haddad à la tête des supplétifs libanais, s”est distingué par deux faits d’armes prestigieux pour cet ancien général: La création du centre de détention de Khiyam, ses trafics juteux de contrebande et les pratiques de racket des résidents du sud-Liban.

Ce protégé de Camille Chamoun, ancien Président de la République libanaise et membre du triumvirat maronite qui assura la direction des combats des milices chrétiennes, Antoine Lahad, -maronite lui-même, originaire du Chouf-, a pris la tête de la force supplétive libanaise pro-israélienne, à la suite de l’implosion de l’unité qu’il commandait au sein de l’armée libanaise du fait des combats inter-factionnels.

Personnage encombrant, acteur important de l’occupation israélienne du sud du Liban (1978-2000), cet ancien administrateur de la zone occupée par Israël au Liban a jugé sage de ne pas retourner sur sa terre natale lors de l’évacuation forcée militaire israélienne, optant pour une vie discrète en France jusqu’à son décès, à Paris, le 10 septembre 2015, à l’âge de 88 ans, au terme de quinze ans d’exil entre Israël et la France.

Et pour cause: Les services de sécurité libanais ont interdit que sa dépouille soit transférée au Liban, où il fut condamné à la peine de mort par contumace pour «haute trahison» et «intelligence avec l’ennemi».

Les supplétifs libanais des Israéliens : Malheur aux vaincus.

Le sort des supplétifs n’est jamais enviable. Soldats perdus d’une guerre perdue, floués par leurs mentors, recyclés dans l’honorabilité des magouilles politiques libanaises, abandonnés par leurs commanditaires israéliens qui leur avaient promis monts et merveilles, gloire et renommée, honnis par la grande majorité de leurs anciens compatriotes, méprisés par les Palestiniens d’Israël, désignés par l’État Hébreu du borborygme d’«Arabes israéliens», qui se sont refusés à leur présence dans leurs communes, reclus dans les agglomérations juives du Nord la Galilée à l’instar de Kiryat Shmona et Nahariya, les lieux de réceptacle du premier feu en cas d’embrasement de la frontière libano-israélienne, ces traîtres libanais vivent les affres de la défaite dans tous ses aspects….

Frappés d’interdit au Liban, ces supplétifs vivent leur exil, en exile de l’intérieur au sein de la société israélienne, en vase clos… dans la désillusion, le ressentiment envers l’ingratitude de leurs anciens employeurs et de l’indifférence de leurs anciens chefs de guerre maronites, abandonnés à leur triste et mérité sort depuis deux décennies. Le précédent des harkis algériens, qui ont pris les armes aux côtés de leurs colonisateurs contre leur patrie d’origine avant d‘être placés en réclusion aux coins les plus reculés de France à leur retour en Métropole, auraient dû nourrir les préventions des libanais à cet égard.

Majoritairement des chrétiens nostalgiques d’une grandeur perdue, qu’ils perdront effectivement du fait de la folle équipée du leadership maronite, particulièrement le chef phalangiste, Bachir Gemayel, élu à la magistrature suprême à l’ombre des blindés israéliens, qui en paiera le prix de sa vie, à la veille de sa prise de fonction.

3- L’équipée suicidaire des milices chrétiennes libanaises

Victimes innocentes souvent, bourreaux parfois plus que de besoin, les camps palestiniens de la quarantaine (est de Beyrouth), en 1976, et de Sabra Chatila (sud de Beyrouth), en 1982, passeront dans l’histoire comme de sanglantes illustrations pathologiques de la déraison humaine, au passif du leadership maronite, particulièrement les milices chrétiennes des Forces Libanaises

Leur alliance avec Israël, l’ennemi officiel du Monde arabe, constituera l’un des points noirs de l’histoire de la chrétienté arabe, et les chefs de cette équipée suicidaire, Bachir Gemayel, président éphémère du Liban, et ses successeurs, Elie Hobeika et Samir Geagea, comme les plus sinistres personnages de l’histoire du Liban en termes de bilan pour la chrétienté, en ce qu’ils ont substitué la lutte pour la réalisation des droits nationaux des Palestiniens, par la recherche de l’éradication d’un peuple déjà spolié de sa patrie, les Palestiniens, en compensation des turpitudes occidentales à l’égard des Juifs européens. Les miliciens chrétiens ont intériorisé, ce faisant, la perversité de la logique occidentale dans un tragique dévoiement de la pensée.

Le clan Gemayel, le grand perdant de l’affaire malgré deux présidents.

Bachir Gemayel, qui rêvait de raser les camps palestiniens en une lointaine anticipation des épurations ethniques des guerres post-communistes de la décennie 1990, pour faire de son pays un paradis sur terre aseptisé des petites misères des grandes fortunes, ce chef militaire d’une communauté chrétienne minoritaire d’un monde arabe majoritairement musulman, qui s’est allié au principal ennemi du Monde arabe pour parvenir à la magistrature suprême, l’homme qui soutenait pour ce faire qu’il existait un «peuple de trop au Moyen-Orient», ignorant que ce peuple de trop pouvait être un jour le peuple des chrétiens arabes, réalisa bien son rêve.

Il fut élu à l’ombre des blindés israéliens, président du Liban, sans toutefois jamais savourer la jouissance du pouvoir suprême, pas même un court instant: Il sera pulvérisé par une explosion dans son quartier général de Beyrouth-est, la veille de la prestation de son serment présidentiel.

Depuis lors, la famille Gemayel accumule malheur sur malheur. De son propre fait et de ses méfaits. Son histoire n’est pas une saga à la Kennedy comme se plaisent à la populariser des gazettes occidentales complaisantes, mais une longue complainte de larmes et de sang, dont ils en sont les principaux responsables.

Bachir a été assassiné à 35 ans, en 1982, son neveu, Pierre Amine Gemayel, le sera à 34 ans, en 2006, dans son fief électoral de Jdeideh, dans le Metn, alors qu’une violente offensive diplomatico-militaire israélo-américaine était à nouveau lancée en direction du Moyen orient en vue de mettre au pas les contestataires de la «Pax Americana». Amine Gemayel, l’aîné du clan, qui succéda à la tête de l’État à son frère cadet à la suite de son assassinat, et qui ambitionnait de succéder au poste de député à son fils assassiné, a vécu une sorte d’assassinat politique lors de sa défaite électorale en 2007 dans son propre fief du Metn, battu par un inconnu, en dépit de la sympathie villageoise suscitée par la tragédie familiale

Des maronites, du patriarcat maronite et des congrégations religieuses.

De tous les prélats qui se sont succédés au siège patriarcal de Bkerké, (Mont-Liban), seuls deux patriarches, Pierre Paul Méouchy et Antoine Khoraiche, ont pris des positions visant à préserver les intérêts à long terme des Maronites au Liban, au delà des chrétiens dans les pays arabes. Mgr Méouchy s’est vivement opposé au président pro américain Camille Chamoun, au plus fort de la première guerre civile libanaise, en 1958, qui sollicitait un nouveau mandat présidentiel au mépris du Pacte National Libanais. Mgr Khoreiche, originaire d’un village du sud Liban, s’opposait au bellicisme des milices chrétiennes et recommandait la sagesse dans la gestion de la crise qui a débouché sur la 2ème guerre civile libanaise (1975- 1990).

Leur comportement a tranché avec ceux de leurs successeurs. Ainsi, le soutien constant manifesté, en dépit de leurs turpitudes, aux forces libanaises, ordonnateurs de la collaboration avec Israël, par le patriarche Nasrallah Sfeir a valu au chef de l’église maronite le titre désobligeant de «patriarche de la désunion».

Son retour au Liban à bord d’un hélicoptère de l’armée américaine à l’issue de la guerre de destruction israélienne du Liban, en août 2006, -un transport identique à celui de Saad Hariri, «le planqué de Beyrouth» à bord d’un hélicoptère français-, a accrédité l’idée d’un prélat «dans les fourgons de l’étranger»,  de la même manière que le chef phalangiste Bachir Gemayel a été élu à la magistrature suprême dans la foulée de l’invasion israélienne du Liban, en 1982.

Son successeur, Mgr Béchara Ar Rahi, a opéré une sorte de normalisation avec Israël par le biais de la théologie en effectuant une visite pastorale aux communautés maronites vivant en Israël.

Dans une décision qui fera date dans l’histoire, le prélat libanais s’est porté volontaire pour accompagner le Pape François dans sa visite officielle en Terre Sainte, les 24-26 Mai 2014, sans la moindre obligation pastorale, rompant ainsi avec une position de principe du Liban, au-delà du patriarcat maronite, de l’ensemble de la chrétienté arabe de ne pas reconnaître l’existence d’Israël

Mgr Rahi a justifié ce déplacement par son souci de rendre visite aux communautés maronites de Palestine. Mais son argumentation n’a pas convaincu bon nombre des Libanais et des chrétiens arabes en ce qu’elle tranche avec celle des autres dignitaires chrétiens arabes, notamment Mgr Hilarion Capucci, Archevêque Grec catholique de Jérusalem, incarcéré par les autorités d’occupation israéliennes pour son soutien à la résistance palestinienne, de même que le patriarche copte d’Égypte, le Pape Chenouda, qui s‘était engagé comme soldat de 1 ère classe dans les rangs de l’armée égyptienne pour participer aux combats pour la reconquête du Sinaï, en 1973, et avait interdit à ses fidèles de se rendre à Jérusalem avant la création d’un état palestinien, avec Jérusalem pour capitale.

Traumatisé par l’auto décapitation de ses chefs charismatiques, le leadership chrétien, principalement maronite, a longtemps balancé entre patriarcat et matriarcat, entre la référence constante au chef spirituel de la communauté maronite, le Patriarche Sfeir, et le tempo politique imposé par les veuves des présidents assassinés du Liban, Bachir Gemayel et René Mouawad, soutenu à distance par Mme Samir Geagea, l’épouse du dirigeant des Forces Libanaises (milices chrétiennes) incarcéré au Liban.

Les Maronites, la plus importante minorité chrétienne du Liban et non de l’Orient, par un abus de position dominante conféré par la France en sa qualité de puissance mandataire sur le Liban et la Syrie, ont procédé à une sorte de captation d’héritage se présentant comme les dépositaires des intérêts supérieurs de la chrétienté d’Orient, réduisant la chrétienté aux seuls intérêts de l’Eglise maronite, confondant en somme maronitisme et chrétienté, se vivant en maître incontesté du Liban alors que leur mandat sur l’unique foyer chrétien du monde arabe aurait dû s’exercer par délégation des autres communautés chrétiennes arabes.

L’extravagante position de Camille Chamoun, président du Liban (1952-1958), se refusant seul contre l’ensemble arabe, à rompre ses relations diplomatiques avec la France, dans la foulée de l’expédition de Suez, alors que l’Égypte faisait l’objet d’une agression concertée entre la France, Israël et la Grande Bretagne (1956) et que l’Algérie ployait sous le joug des ratonnades coloniales, constituait déjà un indice prémonitoire de la psychorigidité maronite, de la cécité politique de ses dirigeants et de la serviabilité extrême dont témoignent des membres de cette communauté à l’égard des puissances occidentales particulièrement de la France et des États-Unis, se plaçant paradoxalement en situation de «dhimitude» par rapport à leurs protecteurs occidentaux, une servitude qu’il dénonçait du temps de l’époque ottomane.

Les outrances des chefs des congrégations religieuses maronites durant la guerre civile, notamment les Pères Charbel Kassis et Boulos Naaman, mus en la circonstance en véritables chefs de guerre, et, la transformation, dans leur sillage, de leur ordre religieux en base arrière de la réserve milicienne, de même que les dérives mortifères des milices chrétiennes, ont conduit le Vatican, à placer, sous tutelle, le clergé maronite, et, sa classe politique, sous observation, inquiet des divisions inter chrétiennes, de leur positionnement dans le conflit israélo-arabe et de leurs rapports avec le Monde musulman. Dans un geste d’insubordination à l’ordre papal, Bachir Gemayel ira même jusqu’à contester le primat pontifical sur l’ordre chrétien libanais. «Le Vatican doit comprendre que les Chrétiens libanais ne constituent pas le champ d’expérimentation au dialogue islamo chrétien. La mission du Liban en tant que passerelle entre l’islam et la Chrétienté est révolue», assurera ce chef milicien chrétien à la stratégie suicidaire, au bilan calamiteux, rebelle à l’autorité papale, mais reptile à l’égard des Israéliens.

Le patriarche Sfeir, élu précisément sur forte suggestion du Vatican pour remettre dans le droit chemin les ouailles égarées, versera dans les mêmes égarements, s’alignant invariablement sur les milices libanaises et la stratégie israélo–américaine dans la zone, au grand dam des congrégations soucieuses de prévenir les errements antérieurs.

Jamais pourtant séquence n’avait été aussi favorable à la réhabilitation patriotique du leadership maronite et de l’intelligentsia chrétienne. Pour la première fois, en effet, une occasion historique s’offrait de mettre en échec les menées «impérialistes» dans la zone avec l’Amérique embourbée en Irak et en Afghanistan, et, Israël déconsidéré au Liban.

Plutôt que de se joindre aux forces de la contestation, à tout le moins de s’abstenir ou de mettre en garde contre les dérives de l’unilatéralisme et de l’inconditionnalité pro israélienne des Occidentaux, le leadership maronite traditionnel secondé par des intellectuels chrétiens, transfuges de la gauche, -le journaliste Samir Kassir, le politicien Samir Frangieh (trotskyste), et le mollasson communiste Elias Attallah-, choisiront d’accompagner le diktat de l’imperium israélo américain, signant par là même leur suicide politique, et, pour certains d’entre eux, leur homicide.

Le géneral Michel Aoun, fondateur du Courant Patriotique libanais, la plus importante formation politique chrétienne libanaise et ancien président de la République fustigera le racisme anti-musulman de ses coreligionnaires qui justifient leur aversion de les autres composantes de la mosaïque libanaise au fait qu’ils «ne ressemblent pas» aux maronites, comme si ceux-ci appartenaient à une race suipérieure.

Le martyrologe libanais, une industrie lucrative de la compassion

Entre culte de la mémoire et instrumentalisation d’une rente de situation, le martyrologe libanais s’est mué en industrie lucrative de la compassion.

De Patrice Lumumba (1961, Congo Kinshasa) à Steve Biko (1977, Afrique du sud) à John et Robert Kennedy et Martin Luther King (1963-1968, Etats-Unis), à Ernesto Che Guevara de la Serna (1967, Bolivie) et Salvador Allende (1973, Chili), à Bobby Sands (1981-Irlande du Nord), au Mahatma Gandhi (1948) et Indira Gandhi (1984, Inde), à Zulficar Ali Bhutto (1973) et Benazir Bhutto (2007, Pakistan):

Tous les continents regorgent de personnages charismatiques, héros mythiques tombés sur le champ d’honneur du combat politique, mais nul part ailleurs qu’au Liban le culte des martyrs ne prend une telle ampleur au point que la vénération posthume des chefs de clan, la plupart fourvoyés dans des causes perdues, ressortit d’une industrie du martyrologe, une rente de situation pour les ayants droits, un passe droit permanent.

Le martyr est commun à tous les peuples de la planète, mais sa redondance est une spécialité libanaise. Peu de famille demeure dans la sobriété. Beaucoup verse dans l’ostentation. Le martyr est brandi comme un trophée, sous le halo du martyr couve en fait une vaste mystification.

La suite du récit sur ces deux liens :

Le constat, sans équivoque, tiré des enseignements de l’histoire récente, d’une analyse concrète d’une situation concrète révèle pourtant que tous les grands exodes des chrétiens d’Orient auront été consécutifs à des opérations occidentales. Il en été de la création d’Israël qui a produit un fort exode des chrétiens palestiniens (vers la Californie et l’Amérique latine), comme de la guerre civile interlibanaise (guerre dérivative à l’échec américain au Vietnam) qui a provoqué un fort exode des chrétiens libanais vers le Canada, l’Australie, la France et les deux Amériques, comme de l’invasion américaine de l’Irak qui a provoqué un fort exode des chrétiens irakiens (assyro chaldéens).

Comme il en a été auparavant du génocide arménien qui a produit un fort courant d’émigration des arméniens chrétiens vers la France, les Etats Unis et le Liban, alors que la Turquie non seulement etait non seulement gratifiée par la France du district d’Alexandrette, mais hissée en outre au rang de partenaire majeur de l’Occident au sein de l’Otan face au monde arabe et à l’Union soviétique à l’époque de la guerre froide soviéto-américaine (1945-1989).

Comprenne qui voudra.

Illustration

Saad Haddad (gauche) et ses hommes. Photo d’archives OLJ

René Naba

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l'AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l'information, membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme et de l'Association d'amitié euro-arabe. De 1969 à 1979, il est correspondant tournant au bureau régional de l’Agence France-Presse (AFP) à Beyrouth, où il a notamment couvert la guerre civile jordano-palestinienne, le « septembre noir » de 1970, la nationalisation des installations pétrolières d’Irak et de Libye (1972), une dizaine de coups d’État et de détournements d’avion, ainsi que la guerre du Liban (1975-1990), la 3e guerre israélo-arabe d'octobre 1973, les premières négociations de paix égypto-israéliennes de Mena House Le Caire (1979). De 1979 à 1989, il est responsable du monde arabo-musulman au service diplomatique de l'AFP[réf. nécessaire], puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, chargé de l'information, de 1989 à 1995. Auteur de "L'Arabie saoudite, un royaume des ténèbres" (Golias), "Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français" (Harmattan), "Hariri, de père en fils, hommes d'affaires, premiers ministres (Harmattan), "Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David" (Bachari), "Média et Démocratie, la captation de l'imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), dont le siège est à Genève. Il en est en outre vice-président de l'International Center Against Terrorism (ICALT), Genève; Président de l'association caritative LINA, opérant dans les quartiers Nord de Marseille, et Président d'honneur de 'Car tu y es libre", (Quartier libre), œuvrant pour la promotion sociale et politique des zones péri-urbaines du département des Bouches du Rhône, dans le sud de la France. Depuis 2014, il est consultant à l'Institut international pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Depuis le 1er septembre 2014, il est chargé de la coordination éditoriale du site https://www.madaniya.info et animateur d'une chronique hebdomadaire sur Radio Galère (Marseille), jeudi de 16H-18H.

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