Pannes de courant au pays des lumières ! Sont ils tombés sur la tête ?

Pannes de courant au pays des lumières ! Sont ils tombés sur la tête ? 938 440 Michel Raimbaud

En ces temps troublés, la «communauté internationale» – nom de scène des trois Occidentaux qui se piquent d’être les maîtres de droit divin de notre planète – semble perdre les pédales. Voilà donc nos larrons en quête de nouvelles aventures.

Comme d’habitude, l’Amérique, cette nation qui se croit indispensable et dispense aux quatre coins de l’univers ses leçons de morale, de démocratie et de droits de l’homme en faisant oublier qu’elle doit son existence au génocide des amérindiens et sa prospérité actuelle au pillage du monde considéré comme une arrière-cour, donne le ton.

Ses sbires, les ci-devant «grandes puissances européennes», qui se plaisent à jouer aux gros poissons dans les petites mares, ne sont pas en reste…
Ayant remis les pendules à l’heure avec son Brexit et lancée dans le compte à rebours d’un Scotxit, la perfide Albion peut s’investir à fond dans son rôle traditionnel de cheval de Troie de l’Amérique.

Pour sa part, notre «grande nation», qui fait tout pour ne plus l’être, se distingue par son arrogance ordinaire, sa prétention anachronique et le naufrage de sa diplomatie.

Nos fanfan-la-tulipe, nos malbroughsmironton-mirontaine, nos lafayette-nous-voilà, prennent de grands airs de chefs de guerre qui nous feraient rire si leurs desseins n’étaient pas aussi sinistres: appeler à envoyer«à six pieds sous terre» Bachar Al Assad, s’acharner à peaufiner la mise à mort du peuple syrien et à détruire la vieille terre qui fut la matrice de notre civilisation, de nos religions et de notre alphabet ne sont pas des objectifs dignes d’un pays à l’histoire prestigieuse, qui se réclame si volontiers des «lumières».

Enchaîner les provocations et les incidents diplomatiques en pensant humilier ou braver ce Vladimir Poutine qui tient tête à l’Amérique, divinité révérée par nos élites, est du plus haut ridicule.

La diplomatie française est disqualifiée, marginalisée, ignorée, y compris par ses maîtres de Washington

Dans la posture qui est la sienne depuis son retour au «bercail atlantique», la France a perdu sa crédibilité, son prestige et le respect des pays qui jadis la trouvaient «juste même lorsqu’elle est injuste».

La diplomatie française est disqualifiée, marginalisée, ignorée, y compris par ses maîtres de Washington, au point d’être tenue à l’écart des grands dossiers et évincée des négociations décisives, tant est évidente sa capacité de nuisance.

Certes, nous rétorquera-t-on, la France a encore des alliés stratégiques qu’elle choisit apparemment selon des critères innovants.

Certains de ces critères tiennent à des affinités profondes avec nos valeurs traditionnelles (droits de l’homme, condition de la femme, respect des travailleurs immigrés, tolérance religieuse, démocratie, libertés…), d’autres sont inspirés par une complémentarité naturelle (ils ont du pétrole et des dollars, nous avons des idées et surtout des besoins d’argent frais), d’autres enfin sont en relation avec des facteurs auxquels on ne s’attendrait pas, à savoir la proximité avec des terroristes «modérés» et des «démocrates» djihadistes: c’est ainsi qu’après l’heure du Qatar (merci pour ce moment) et une brève idylle avec Erdogan le Maléfique (gâchée par le souvenir d’un génocide), nous vivons «l’instant saoudien», avec une farandole de princes et d’émirs comme s’il en pleuvait, des promesses de contrats mirifiques, une«identité de vues totale»propice à tous les mauvais coups.

Si Paris valait bien une messe, Riyad vaut bien quelques promesses voire quelques compromissions: la distance nous sépare, mais la volonté de détruire la Syrie et de«neutraliser» Bachar al Assad nous unit…

Il y a quelque chose de pourri au royaume des grandes démocraties.

Le déferlement d’inepties, de mensonges, de trucages, de faux pavillons, de références en trompe-l’œil devrait interpeller quelque part nos élites ployant sous le fardeau de leur «mission civilisatrice et bombardière». Hélas, nous avons beau tendre l’oreille, c’est à peu de choses près le silence radio.

N’y aurait-il pas quelque chose de pourri au royaume des grandes démocraties? N’y aurait-il pas un maillon manquant dans cette sainte trinité occidentale où l’on cherche en vain l’esprit sain qui pourrait inspirer le père anglo-américain et le fils franco-européen.

S’il n’y avait que les déclarations martiales, les contre-vérités flagrantes, les mensonges sans vergogne, les imprécations sans foi ni loi, ce ne serait que le énième tableau de la mauvaise série B que les médias, intellectuels et politiques, de gauche, de droite et du milieu, déversent depuis plusieurs années sur le bon peuple français qui en a vu, entendu et gobé bien d’autres.

C’est agaçant et ignoble, c’est inquiétant, mais on s’y fait. L’important n’est pas la rose ou même le rouge au front, c’est de voter, quitte à choisir le plus beau, le plus hâbleur, le plus menteur, le plus martial ou le plus bête…

Les campagnes électorales débutantes ou finissantes en témoignent: l’Amérique devra choisir entre la prévisible harpie, Hillary, l’égérie des néocons, faucons et autres variétés du «parti de la guerre», et l’imprévisible Trump, qui a annoncé la couleur.

Pour l’instant, il est particulièrement angoissant d’entendre, au sein de ce temple de la diplomatie que devrait être le Conseil de Sécurité, vociférer les mégères et les gorgones qui ont investi la diplomatie US et s’égosiller les diplomates aux longs doigts et aux costumes gris à rayures verticales des «grandes diplomaties», toutes et tous à l’unisson pour répercuter vers les quatre coins de la planète le courroux de nos bons maîtres chahutés par l’Histoire.

La réunion du Conseil consacrée à la Syrie, tenue le dimanche 25 septembre 2016, devrait rester inscrite aux annales de l’arrogance et de la perfidie.
Grâce soit rendue aux chevaliers de l’Axe du Bien comme Samantha Power, égérie des néocons américains, au ministre anglais des affaires étrangères, qui doit sa promotion ahurie au Brexit, et au représentant français au Conseil de Sécurité, relayés de près ou de loin par les Kerry, Ayrault et consorts, le spectacle était prometteur et n’a pas déçu, qu’il s’agisse de la richesse des pauvres réparties, de la majesté du style oratoire, de la haute tenue morale des contre-vérités et acrobaties de langage (parler sans filet est un exercice de haute volée).

De réunion en réunion, le spectacle continue, sans cesse renouvelé comme les vagues de la mer, dans une ambiance de tragédie: ceux qui veulent libérer les habitants d’Alep de la sauvagerie terroriste sont des criminels de guerre passibles de la Cour Pénale Internationale, ceux qui financent et protègent les dits terroristes sont des héros à casques blancs passibles du Nobel de la Paix. C’est beau la dialectique et comprenne qui pourra…
Ban et le sacre de Dame bêtise…

Pour couronner le sacre de Dame bêtise, nous avons droit à la prestation de Ban. Ce falot personnage, qui s’apprête à nous quitter après avoir brillé par sa servilité, a bien mérité de la patrie (américaine): il n’aura pas eu besoin de fermer l’électricité derrière lui tant l’obscurité était déjà profonde au Secrétariat Général des Nations Unies, mais il n’aura pas attendu d’avoir rendu sa livrée pour tenir un discours qui, tranchant avec la banalité habituelle de ses propos, témoignait de sa perfidie et de son allégeance au dieu Amérique, accablant l’Etat syrien de ses affirmations mensongères et de ses accusations frelatées.
Bref, nous avons droit à une mobilisation générale du ban et de l’arrière-ban de la «communauté internationale» occidentale mobilisée au service des terroristes et de leurs parrains, dans un déferlement de haine et de bassesse qui sied mal à l’ambiance feutrée des instances diplomatiques.

Tout ce beau monde, à coup d’effets de manches, de tirades grandiloquentes et patelines, de sorties collectives théâtrales, veut faire croire qu’il essaie de sauver le droit international que depuis vingt-cinq ans les maîtres impériaux de la planète ont dévasté.

Est-ce parce qu’ils sont tombés sur la tête qu’ils voient le monde à l’envers? En tout cas, menteurs ils sont, menteurs ils resteront!

Pour la France, quel gâchis d’avoir mis un point d’honneur à se complaire dans le déshonneur. Injuste, immorale, suicidaire, la diplomatie française est devenue si stupide qu’elle nous fait parfois désespérer.

Tout se passe comme si nos élites avaient jeté aux orties l’héritage national, les références, les valeurs, les convictions qui nourrissent une politique étrangère digne d’un grand pays…

La France n’avait pas de pétrole; voilà qu’elle semble n’avoir plus d’idées, sa diplomatie en étant réduite à racler dans les tiroirs pour proposer des trucs de concours Lépine. Il ne sera pas dit que l’aménagement de notre diplomatie est un aménagement de cuisine: «Lapeyre, y en a pas deux», dit le slogan, mais les ambassadeurs, il pourra y en avoir deux, comme les Croates vont en faire l’expérience.

Panne de courant? Couvre-feu de la pensée? C’est en tout cas dans une obscurité de mauvais aloi qu’est plongée la «terre des lumières». Et pour l’instant, il reste bien caché, l’homme d’Etat qui réussira à lui redonner sa place au soleil, levant de préférence.

Pourtant le temps presse: comme l’écrivait Paul Valéry,«le vent se lève et il faut tenter de vivre»…

Michel Raimbaud

Ancien Ambassadeur de France au Soudan, en Mauritanie et au Zimbabwé, auteur de «Le Soudan dans tous ses États : l'espace soudanais à l'épreuve du temps» -Paris Karthala 2012 et de «Tempête sur le Grand Moyen Orient» - Ellipses 2015

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