La reconnaissance par la France du génocide arménien: un acte tardif, incomplet et quelque peu opportuniste.

La reconnaissance par la France du génocide arménien: un acte tardif, incomplet et quelque peu opportuniste. 1544 1028 La Rédaction

Dernière mise à jour le 25 septembre 2019

1 – Une reconnaissance tardive et quelque peu opportuniste.

Le président Emmanuel Macron a décidé d’instaurer le 24 avril la «Journée nationale de commémoration du génocide arménien» dans une démarche de reconnaissance d’un fait historique indéniable. Mais pour méritoire qu’elle soit, cette décision apparaît tardive, incomplète et quelque peu opportuniste.

Intervenant cent ans après le massacre des ressortissants arméniens chrétiens de l‘Empire Ottoman, cette décision a paru toutefois répondre au premier chef à des considérations électoralistes destinées à glaner les voix de l’importante communauté arménienne de France en ce qu’elle survient alors que la France est en pleine agitation sociale des Gilets Jaunes, à trois mois d’élections européennes capitales pour le plus jeune président français de la V me République, en pleine tension de la France avec la Turquie.

Dans le prolongement de la «loi sur la criminalisation de la négation du génocide arménien», adoptée par Nicolas Sarkozy, elle aussi, en pleine campagne électorale pour la réélection du «sang mêlé», en 2012, cette décision aura pour première conséquence la rupture de la coopération entre les deux parrains essentiels de la défunte opposition off-shore syrienne, plaçant les deux pays artisans du démembrement de la Syrie, en position de guerre larvée.

2 – Les Kurdes, les nouveaux alliés de substitution de la France en Syrie, complices des Turcs dans le génocide arménien.

Curieux retournement de ses deux vieux complices dont l’un, la Turquie, unique pays musulman membre de l’OTAN s’en désengage progressivement au profit d’une alliance régionale (Iran, Russie) et l‘autre, la France, en pleine déroute en Syrie, s’accroche à un nouvel allié de substitution, les Kurdes, traditionnels supplétifs des équipées occidentales en terre arabe, et pis, complice des Turcs sur une base sectaire des massacres des Arméniens de l’Empire Ottoman.

Pour aller plus loin sur ce sujet, cf :

https://www.madaniya.info/2018/01/05/le-mic-mac-de-la-france-dans-son-projet-de-creation-dun-etat-sous-controle-kurde-a-raqqa-en-syrie/

3 – Alexandrette : Le bonus de la France à la Turquie pour le génocide arménien.

Au XX me siècle, la France, pourtant protectrice des chrétiens d’Orient, a fait cadeau à la Turquie, son ennemi de la première guerre mondiale, d’un territoire syrien. Une cession qui a paru comme une prime à un état génocidaire en ce que le rattachement du district syrien d’Alexandrette à la Turquie est intervenu dans la foulée du massacre des Arméniens.

En retour, la Turquie votera constamment en faveur de la France contre l’indépendance de l’Algérie durant la guerre d’indépendance algérienne, lors des débats à l’ONU dans la décennie 1950-1960, déniant aux Moudjahidine la qualité de combattants, les qualifiant de «terroristes».

Au XXI me siècle, récidiviste, la France fera à nouveau alliance avec la Turquie dans un projet principalement dirigé contre la Syrie, qui déviera par la suite dans un projet contre la Turquie, son ancien partenaire dans la guerre de démembrement de l’État syrien, menée sous couvert du «printemps arabe».

La même aberration mentale se retrouve dans la décennie 2000, avec la mise à l’index du président libanais Emile Lahoud (1998-2007), unique président chrétien du Monde arabe. Une décision prise par la France du temps de l’affairisme chiraco-haririen, en raison du soutien du président libanais au Hezbollah et à la Syrie, dont la «responsabilité implicite» dans l’assassinat de Rafic Hariri, a été actée d’office, sans preuves, par l’actuel directeur de la DGSE Bernard Emié, à l’époque petit pro consul de France au Liban.

4- La responsabilité indirecte de la France dans la destruction du mémorial arménien de Deir Ez Zor en Syrie

Pis. La connivence de la France avec la Turquie dans le démembrement de la Syrie a favorisé l‘afflux des terroristes néo-islamiques dans la zone de Deir Ez Zor, provoquant la destruction du Mémorial du génocide arménien.

Comment expliquer cette l’alliance contre nature de la France, le protecteur des Chrétiens d’Orient, la Turquie, artisan du premier état génocidaire du XX me siècle. Contre la Syrie, qui abrite le mémorial du génocide arménien à Deir Ez-Zor. Contre la Syrie, le siège des patriarcats d’orient depuis la chute de Constantinople.

Comment expliquer l’alliance du seul pays au monde qui se réclame de la laïcité avec les forces les plus rétrogrades et les plus répressives du Monde arabe, sous couvert de combat pour la démocratie; son prédécesseur gaulliste Nicolas Sarkozy avec le Qatar, le parrain des destructeurs des sites islamiques de Tombouctou, et le successeur post socialiste, avec le Royaume wahhabite.

Une alliance avec  le parrain des preneurs d’otages des prélats de Syrie, des destructeurs des sites religieux, notamment de Maaloula, dans la banlieue de Damas, -l’un des plus anciens sites antiques de l’humanité, dont les habitants parlent l’araméen, la langue du Christ-, dont des religieuses –c’est à dire des femmes civiles et désarmées- ont été retenues en captivité en guise bouclier humain?

5 – Le sommeil dogmatique de la France à l’égard des bourreaux turcs de ses protégés chrétiens arméniens

Le déploiement de la Turquie sur la scène régionale du Moyen Orient sur la base d’une diplomatie néo-ottomane véhiculée par un islam teinté de modernisme l’a placé en concurrence directe avec les intérêts des anciennes puissances coloniales. Un électrochoc salutaire qui a conduit la France à envisager une démarche réparatrice à l’effet de la réveiller de son sommeil dogmatique et de sa mansuétude criminelle à l’égard du bourreau turc de ses supposés protégés arméniens.

Barrer à la Turquie la voie de l’Europe au prétexte qu’elle n’est pas européenne gagnerait en crédibilité si cet argument fallacieux s’appliquait également à sa présence au sein de l’Otan, le pacte atlantique dont elle n’est nullement riveraine.

Sceller une Union transméditerranéenne sur la base d’une division raciale du travail, «l’intelligence française et la main d’œuvre arabe», selon le schéma esquissé par Nicolas Sarkozy dans son discours de Tunis le 28 avril 2008, augurait mal de la viabilité d’un projet qui validait la permanence d’une posture raciste au sein de l’élite politico-médiatique française.

Une posture manifeste à travers les variations séculaires sur ce même thème opposant tantôt «la chair à canon» au «génie du commandement» forcément français lors de la première guerre Mondiale (1914-1918), tantôt «les idées» du génie français face au pétrole arabe» pour reprendre le slogan de la première crise pétrolière (1973): «Des idées, mais pas du pétrole».

Substituer de surcroît l’Iran à Israël comme le nouvel ennemi héréditaire des Arabes visait à exonérer les Occidentaux de leur propre responsabilité dans la tragédie palestinienne, en banalisant la présence israélienne dans la zone au détriment du voisin millénaire des Arabes, l’Iran, dont le potentiel nucléaire est postérieur de soixante ans à la menace nucléaire israélienne et à la dépossession palestinienne.

6 – De l’instrumentalisation des génocides

La Turquie a constitué la base arrière du recrutement djihadiste, en même temps que la principale voie de transit et de ravitaillement de l’État islamique dans la guerre de Syrie. Elle a longtemps bénéficié d’une sorte d’impunité vis-à-vis du génocide arménien, un crime contre l’humanité, en raison de son alliance avec Israël et de son statut d’unique pays musulman membre de l’Otan.

Cette alliance qualifiée par les stratèges atlantistes et leur relais médiatiques d’«alliance entre les deux grandes démocraties du Moyen Orient» constituait en fait une «alliance de revers» en vue de l’étranglement de la Syrie, un des derniers pays du champ de bataille avec le Liban à refuser de pactiser avec l’Etat Hébreu. Elle scellait une alliance contre nature entre le premier état génocidaire du XX me siècle et un état abritant les survivants d’un des grands génocides de ce même siècle.

Voir à ce propos le raisonnement justificatif de cette alliance

https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2005-1-page-235.htm#

La donne a depuis lors changé en raison de la crise dans les relations entre Ankara et Tel Aviv.

Une fraction de la communauté arménienne de France aiguillonnée par un ancien compagnon de route du mouvement de libération nationale de l’Arménie, l’ASALA (armée secrète arménienne pour la libération de l’Arménie), Ara Toranian, gravite désormais selon «La règle de jeu» du philosophe du botulisme Bernard Henry Lévy, en vue de se mouler dans le mode opératoire de la communauté juive de France dans une alliance des survivants des deux grands génocides du XX me siècle, dans une belle illustration de l’instrumentalisation opportuniste des génocides !

Cf à ce propos la stratégie de convergence des victimes des génocides arméniens et juifs https://www.madaniya.info/2015/04/25/hommage-aux-victimes-du-genocide-armenien-et-du-groupe-manouchian/

Sauf que la convergence des génocides arménien et juif ne fait pas l’unanimité au sein de la diaspora arménienne en raison notamment du rôle trouble de juifs ottomans avec les architectes du génocide arménien, de la position constante de l’Iran vis-à-vis de l’Arménie, dont elle est un allié indéfectible, qui explique le soutien de la section libanaise du Tachnag, le plus grand parti arménien, au Hezbollah libanais, la bête noire d’Israël et du lobby pro israélien en France

Sur la connivence de Juifs Ottomans avec les architectes du génocide arménien, cf à ce propos cet article du «Times Of Israel»

https://fr.timesofisrael.com/des-juifs-ottomans-soutenaient-les-architectes-du-genocide-armenien/

Les Arméniens de France et de la diaspora ne sauraient être dupe d’une telle manœuvre, d’autant plus affligeante que son partenariat avec la Turquie dans le démembrement de la Syrie a provoqué par ricochet la destruction du Mémorial du génocide arménien de Deir Ez Zor (Syrie).

Les Arméniens de Syrie ne sont pas dupes d’une telle manoeuvre à en juger par l’article publié par le supplément en arabe du journal Aztag, titrant sur elf ait que « Les Arméniens syriens ne sont pas des passagers en transit en Syrie, mais bel et bien une des composantes de la population syrienne».

Pour aller plus loin sur ce sujet, cf ce lien pour le lectorat arabophone, l’article de Léon Zaki

https://www.aztagarabic.com/archives/26686?fbclid=IwAR0cwWAcIGyWnRCbqJqYF_bUU89M4dezZm58odMS7Mvkq7B_NusmvK2HmpY

https://www.madaniya.info/2014/10/03/la-presence-armenienne-au-machreq-une-peau-de-chagrin/

L’instauration d’une journée commémorative relèvera d’une démarche opportuniste à connotation démagogique si elle ne s’accompagnait pas d’explications sur les alliances contre nature et répétitives d’un pays qui se réclame de la rationalité cartésienne.

La commémoration du génocide arménien ne saurait se célébrer sans une franche explication du comportement erratique de la France, particulièrement de ses turpitudes tant vis à vis à des Arméniens que de la Chrétienté d’Orient, non pas tant par appétence sadique d’auto flagellation, mais au titre de pédagogie citoyenne, afin d’éviter la répétition de telles aberrations qui souillent l‘Histoire de la «Patrie des Droits de l’Homme».

Pour aller plus loin, cf: https://www.renenaba.com/genocide-armenien-le-jeu-trouble-de-la-France/

https://www.renenaba.com/france-vatican-les-deux-francois-et-la-chretiente-d-orient.

https://repairfuture.net/index.php/fr/genocide-armenien-reconnaissance-et-reparations-point-de-vue-de-turquie/etudes-sur-le-genocide-armenien-les-ravages-du-dogme-academique

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Un commentaire
  • Frarrane Edddine 24 avril 2019 à 18h33

    La dérive sioniste est incarnée par Mourad (Franck) Papazian, dirigeant en France du Tachnag bien plus que par Toranian. Pro-hezbollah à Beyrouth, pro-Bibi à Paris, pas à une contradiction près.