Najah Wakim, ou le singulier parcours d’un homme politique libanais atypique

Najah Wakim, ou le singulier parcours d’un homme politique libanais atypique 1280 657 René Naba

Ses mémoires étaient attendues tant le personnage détonne dans le paysage politique libanais, son parcours atypique et son positionnement singulier.

Mieux : Ses mémoires étaient d’autant plus attendues que son précédent ouvrages , « Les Mains Noires » sur la corruption érigée en système de gouvernement sous la mandature du milliardaire libano-saoudien, le premier ministre Rafic Hariri  (1992-2005), avait battu un record de vente, phénoménal pour le Liban, conduisant son éditeur à en assurer l’impression de 13 éditions, fait rarissime dans l’édition arabe.

Lui, c’est Najah Wakim, ancien député de Beyrouth, de rite grec orthodoxe, mais porte flambeau de la jeunesse nassérienne, dans la décennie 1970, au seuil de l’essor de la guérilla palestinienne.

Le premier discours du député nassérien au parlement libanais

En 1973, à 26 ans, à contre courant de la jeunesse chrétienne, majoritairement pro-occidentale, ce natif du district chrétien de Jbeil (Byblos), sera, à la surprise générale, triomphalement élu à Beyrouth -Ouest, fief sunnite de la capitale libanaise, terrassant les caciques du marigot politique libanais à commencer par l’Eglise grecque orthodoxe, grand défenseur de l’establishment de sa communauté, ainsi que son rival électoral direct, Nassim Majdalani, un ponte de la communauté grecque orthodoxe, allié à la grande bourgeoisie sunnite, notamment le premier ministre Saêb Salam. Le succès de ce novice en politique a plongé dans la consternation les politiciens et semé l’émoi au sein de la féodalité clanique libanaise. Et pour cause.

Son premier discours au parlement libanais a fait sensation. A rebours des professions de foi traditionnelles, Najah Wakim établit un lien entre la justice sociale, l’Unité arabe et la Libération de la Palestine. Un discours novateur. Par un heureux concours de circonstances, les débats parlementaires étaient, pour la première fois au Liban, retransmis à la télévision libanaise. Le ton du jeune député nassérien et la hardiesse de son propos le propulsent au firmament de la popularité. Il devient l’orateur vedette de toutes les manifestations de soutien à la résistance palestinienne et ses photos inondent les rues de Beyrouth Ouest, à l‘époque haut lieu de la contestation arabe.

Sur la fonction tribunicienne de Beyrouth, cf ce lien

Charles Hélou, le sceptre de la partition du Liban et la stratégie de la tension

Les accords libano palestiniens, réglementant la présence armée palestinienne au Liban qui ont mis fin à un mois d’affrontements armés entre l’armée libanaise et les fedayines palestiniens, ont été conclus au Caire sous l’égide du président égyptien Gamal Abdel Nasse. Signés, en novembre 1969, sous la mandature du président Charles Hélou, ils ont été vécus comme une défaite par le camp chrétien.

L’afflux des combattants palestiniens à Beyrouth, l’année suivante, en 1970, dans la foulée du « Septembre Noir » jordanien, — le massacre des Palestiniens par les troupes bédouines du Roi Hussein — a exacerbé les craintes du leadership maronite (chrétien libanais) quant à sa primauté politique dans l’exercice du pouvoir libanais. Traditionnellement favorable aux Occidentaux, -et clandestinement à Israël- le leadership maronite a alors entrepris une stratégie de la tension en vue de modifier l’état des choses.

Sur ces entrefaites, le président Charles Hélou convoque une réunion avec les divers responsables politiques libanais, en 1970, pour évoquer le sceptre de la partition du Liban.

Najah Wakim : « Charles Hélou fait part de ses craintes que la démographie galopante des Musulmans et leur accès de plus en plus nombreux à l’enseignement supérieur conduiraient à conclure que le salut du Liban viendrait de sa partition.  Il faut donc convenir de la partition. Soit la partition se fera par une entente entre les diverses communautés confessionnelles libanaises ; Soit elle fera par le sang ».

Des propos prémonitoires annonciateurs de la guerre civile qui éclatera en 1975. Entretemps, les milices chrétiennes avaient entrepris une stratégie de tension en vue d’exacerber les craintes du camp chrétien et à inciter les jeunes à se mobiliser.

Najah Wakim ajoute à ce propos : « Les campagnes d’affichage anti-palestiniennes qui ont inondé les murs de Beyrouth à cette époque n’étaient pas spontanées ».

A noter que dans la décennie 1970, les milices chrétiennes réclamaient le désarmement des organisations palestiniennes au prétexte qu’il s’agissait de formations non libanaises, que leur armement portait atteinte à la souveraineté libanaise et menaçait la sécurité des chrétiens et, surtout, argument raciste s’il en est, que les Palestiniens « ne nous ressemblaient pas (à nous chrétiens) ».

Vingt ans plus tard, avec la montée en puissance du Hezbollah libanais, les milices chrétiennes, reprendront leur vieille antienne, réclament le désarmement de la milice chiite libanaise, en dépit de sa posture dissuasive face à Israël, faisant valoir que le Hezbollah était une milice iranienne.

Sur ce thème, cf, ce lien :

Dans un contexte d’exaltations guerrières, les milices chrétiennes libanaises ont eu recours aux expédients habituels, notamment le trafic des stupéfiants pour financer leurs achats d’armes. Ainsi en 1990, le tribunal correctionnel de Marseille a jugé dix Libanais accusés de trafic de drogue au profit de la milice chrétienne des Forces libanaises de Samir Geagea.

De son côté, un ingénieur agronome occidental en poste au Moyen orient dans les décennies 1960-1970 a révélé à la rédaction de madaniya.info, une autre source de financement illicite :  la contrebande de cigarettes. « Le trafic de cigarettes Malboro échappant aux taxes dans les années 1960 et 1970 ruinait les paysans du sud du Liban et la Régie des Tabacs de Nabatiyeh, mais enrichissait les milices de droite, qui réceptionnaient les cargaisons dans les ports de Batroun et Jounieh, dans le réduit chrétien, pour acheter des armes. Tout cela préparant les « évènements » et la longue guerre civile internationale au Liban…ainsi que l’invasion israélienne du Liban, en 1982, de même que l’occupation du sud Liban par les arrangeurs de ce trafic », a-t-il écrit en post à un papier paru sur le site madaniya.info sous le lien suivant :

L’isolement du parti phalangiste : « Arafat est l’antithèse de Yaya Sinwar »

Deux ans plus tard, en 1975, Mouammar Kadhafi, Guide de la révolution libyenne, s’entretenant avec Najah Wakim de la situation au Liban, plaide en faveur de la nécessité de déclencher une révolution dans ce pays, limitrophe d’Israël, à tout le moins une guerre civile. Connu pour ses foucades, le dirigeant libyen n’a visiblement pas mesuré les conséquences de ses propos. Najah Wakim fait part de ses réticences.

Mais les sympathisants libanais de la cause palestinienne, relayant les thèses du dirigeant libyen, rêvant d’en découdre avec les Phalangistes, pressent Yasser Arafat de procéder à la mise en index de la milice chrétienne libanaise, à son isolement

Najah Wakim se placera à contre-courant de ce mot d’ordre, soutenu en cela par Walid Al Khalidy, l’universitaire palestino américain, accouru spécialement de Princeton, pour plaider l‘inanité d’une telle mesure.

Comble de perfidie pour un dirigeant révolutionnaire, Arafat fera allusion à la religion chrétienne de Najah Wakim pour expliquer les objections du député grec orthodoxe à l’isolement du parti phalangiste.

En fait Najah Wakim était consterné par le fait que le Chef de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) se soit implicitement réjoui de la conclusion d’un accord de désengagement des forces entre l’Egypte et Israël, dans la foulée de la guerre d’Octobre 1973, marquée par la destruction de la ligne Bar Lev et le franchissement du canal de Suez par les troupes égyptiennes.

Pour Najah Wakim, un tel accord séparé, affaiblissait le Front arabe et fragilisait la position de la Syrie, le partenaire de l’Egypte dans la guerre d’octobre. Yasser Arafat, de même que Kamal Joumblatt, chef de la coalition palestino progressiste de la guerre du Liban, étaient à cette époque-là proche du président égyptien Anouar el Sadate, écrit-il.

Alors qu’une large fraction de la jeunesse libanaise et arabe s’enthousiasmait aux exploits des fedayine, vouant une admiration sans borne à Yasser Arafat, l’initiateur de la guérilla palestinienne anti israélienne, Najah Wakim, circonspect face à la théâtralité du chef palestinien, s’abstiendra de sombrer dans l’idolâtrie.

Najah Wakim note à ce propos : Il peut paraitre paradoxal qu’Arafat ait pu bénéficier d’une telle adhésion de la classe politique libanaise. Et y donne l’explication suivante, laconique mais éloquente : « L’argent sans doute a eu un effet attractif ».

L’animosité entre Yasser Arafat et Najah Wakim était telle que le Fatah, principal mouvement de l’OLP, procédera à l’arrestation du député pro nassérien, en juin 1976, au moment de l’intervention de l’armée syrienne au Liban., dans le cadre d’une vaste campagne d’arrestation des formations pro syriennes au Liban et des contestataires à la stratégie palestinienne.

« Arafat est l’antithèse de Yaya Sinwar », décrétera Najah Wakim en référence au chef militaire du Hamas, maitre d’œuvre de l’opération « Déluge Al Aqsa », le 7 octobre 2023, l’incursion militaire la plus réussie et la plus profonde contre Israël depuis la création de l’Etat hébreu en 1948, en brisant net les mythes fondateurs de cet état particulièrement sa dissuasion militaire.

L’élection d’Elias Sarkis à la présidence de la République Libanaise

La corruption des élites par les pétrodollars. Les cas de Kamel Al Assad et Camille Chamoun.

En observateur avisé de la vie parlementaire, Najah Wakim écrit, à ce propos, sans ambages : « Kamel Assad, Président du Parlement et chef du bloc des parlementaires chiites du sud-Liban, a touché 16 millions de livres libanaises de l’Arabie saoudite pour organiser les élections présidentielles libanaises, en 1976, avec en prime un bonus de 200,000 LL pour chaque député membre de son bloc parlementaire.

En fait Kamel Al Assad a conservé par devers lui le bonus destiné aux députés de son groupe » en application de l’adage bien connu : On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

Il n’est pas indifférent de rappeler à ce propos que Kamel Al Assad, fils d’un chef féodal, a dû se réfugier dans le réduit chrétien de Beyrouth au moment de la guerre civile libanaise pour échapper au courroux des membres de sa communauté chiite. Symbole de la féodalité clanique qui a gouverné le Liban pendant le premier quart de siècle de son indépendance, Kamel Al Assad perdra son leadership, dans la décennie 1980-1990, au profit du Hezbollah libanais, la principale formation paramilitaire chiite, initiatrice de la guérilla anti-israélienne.

Sur sa lancée Najah Wakim poursuit : « Camille Chamoun a exigé 6 millions de livres Libanaises pour participer à la séance du parlement consacré à l’élection d’Elias Sarkis.

Johnny Abdo : Le mentor du leadership maronite :  L’homme de l’ombre par excellence

Chef du 2 me Bureau de l’armée libanaise, Johnny Abdo a été le maître d’œuvre de l’élection d’Elias Sarkis à la présidence de la République libanaise. Une opération menée en tandem avec Fouad Boutros, ancien ministre des Affaires étrangères.

Ancien gouverneur de la Banque du Liban, Elias Sarkis était surtout connu pour avoir été un disciple inconditionnel du Général Fouad Chéhab, ancien commandant en chef de l’armée, qui a présidé aux destinées du Liban au terme de la 1ère guerre civile libanaise, Avril-Septembre 1958, avec l’aide de la bureaucratie militaire.

En faiseur de roi, Johnny Abdo sera de nouveau à la manœuvre pour l’élection du de Bachir Gémayel, puis, à l’assassinat du chef militaire phalangiste,  de son frère Amine.

Najah Wakim dixit :

« Johnny Abdo a plaidé auprès du président Sarkis la candidature de Bachir Gemayel, le chef militaire des Forces Libanaises (milices chrétiennes), connu pour ses déplacements fréquents en Israël au point d’avoir invité Ariel Sharon, à l’époque ministre de la défense, et ordonnateur de l’invasion israélienne du Liban, en 1982, à déjeuner à son domicile.

Bachir Gemayel, en retour, a été invité à séjourner dans le ranch du ministre israélien dans le désert du Néguev.

Sur les tractations entre Israël et Bachir Gemayel à propos de l’invasion israélienne du Liban, la partition du Liban et le nettoyage ethnique des camps palestiniens de Sabra Chatila, cf ces deux liens :

Rétrospectivement, Bachir Gemayel, président du Liban en 1982, et Rafic Hariri, chef du gouvernement en 1992, auront eu le même mentor : Johnny Abdo, dont son parrainage leur sera fatal en même temps qu’il discréditait l’ancien chef du service des renseignements de l’armée libanaise. Mais cet homme énigmatique, au rôle occulte, interface des services occidentaux pendant trente ans, continue de bénéficier d’un halo de mystère.

Conseiller militaire du chef phalangiste durant la guerre civile en infraction à ses fonctions officielles au sein de l’armée régulière libanaise, son agent de liaison auprès des services occidentaux et de leurs alliés régionaux, cheville ouvrière de la campagne visant à son élection à la tête de l’état libanais en remplacement du président Elias Sarkis, dans la foulée de l’invasion israélienne du Liban, en 1982, puis de la campagne visant après son assassinat à propulser son frère aîné Amine à sa succession, Johnny Abdo est un homme de l’ombre par excellence. Un looser a en juger par son bilan.

Sur Johnny Abdo, cf ce lien :

De l’usage du premier ministre sunnite, sans assises populaires, pour ne pas faire obstruction aux desseins présidentiels : Les cas d’Amine El Hafez (Nord-Liban) et Chafic Wazzan (Beyrouth).

A- Le cas d’Amine El Hafez

Sleimane Frangieh est parvenu au pouvoir en 1070, en pleine phase d’afflux des fedayine au Liban refoulés de Jordanie après la séquence du « septembre noir » jordanien. M. Frangieh projetait de mettre au pas les Palestiniens en ce qu’il considérait que leur présence armée et en nombre mettait en péril l’équilibre confessionnel du pouvoir.

Afin de masquer son « pernicieux dessein », Najah Wakim dixit, le président nomme comme premier ministre, Amine El Hazef, un homme politique originaire comme lui du Nord du Liban, mais sans véritable assise populaire, ni surface politique.

Un tendron en somme. Une façon de contourner le leadership traditionnel sunnite, tel Rachid Karamé, un dirigeant sunnite de premier plan, bénéficiant d’une forte audience arabe, réputé pour son patriotisme, en mesure de s’opposer aux projets présidentiels.

Najah Wakim, soucieux de désamorcer la tension, propose au président libanais une rencontre avec le chef palestinien. Réponse de Sleimane Frangieh :  Arafat ?. Un menteur. Jamais. Choisis un autre responsable palestinien et j’accepterai de le rencontrer. Mais ce menteur, jamais.

Epilogue de cette séquence :  De nous nouveaux affrontements opposent l’armée libanaise et les fedayine, au printemps 1973, qui se concluent par l’Accord de Melkart, du nom de l’hôtel où l’accord a été signé, en Mai 1973, à cinq mois de la guerre israélo-arabe d’Octobre 1973. Les rivalités libano-palestiniennes sont mise alors en sourdine et le président Frangieh présidera même la délégation arabe qui plaidera à l’ONU la cause de la Palestine.

B – Chafic Wazzan :  Le pire premier ministre de l’histoire du Liban

La sentence de Najah Wakil est sans appel et l’exécution sommaire :  Premier ministre sous la mandature du président Phalangiste Amine Gemayel, marquée par la conclusion d’un traité de paix, mort- né entre Le Liban et Israël, Chafic Wazzan est « une créature des services du 2me bureau de l’armée et des services de renseignements de l’armée libanais, le pire premier ministre de l’histoire du Liban.

L’élection d’Amine Gemayel : « Le Liban est à nous » le cri de victoire des députés chrétiens

Amine Gemayel, aîné de la fratrie, a été élu à l’ombre des baïonnettes israéliennes, alors que l’armée israélienne assiégeait Beyrouth. Il n’empêche, selon le récit de Najah Wakim sur cette journée, « les députés chrétiens tenaient des discours triomphalistes », malgré l’occupation de leur capitale. « Le Liban est à nous», clamaient-ils en se rendant au siège provisoire du parlement, dans une démarche qui relève d’un déni évident de la réalité d’un pays multiconfessionnel.

Les rapports de force sur le terrain se chargeront de leur prendre la mesure de leur délire. Le traité de Paix israélo-libanais, signé le 17 mai 1983, sera abrogé par suite de soulèvement de la population de Beyrouth hostile à la normalisation avec l’Etat Hébreu, infligeant un camouflet majeur au leadership maronite et à ses parrains occidentaux en ce que cette abrogation est passé dans les annales diplomatiques internationales comme un cas unique d’un traité international sous la pression populaire.

Najah Wahim et Zaher al Khatib, député sunnite du Chouf mais professant des vues socialistes, seront les deux parlementaires à s’être opposés à ce traité.

Le Mufti de la République ou la gangrène du confessionnalisme.

Militant altermondialiste, nationaliste arabe convaincu, ardent sympathisant de la cause palestinienne, Najah Wakim demande audience au Mufti de la République libanaise, Cheikh Hassan Khaled, pour l’inciter à s’opposer à la conclusion d’un traité de paix entre le Liban et Israël.

Réponse du chef spirituel de la communauté musulmane sunnite libanaise : « Pourquoi ne te convertis-tu pas à l’Islam ? » Une réponse d’un grand sectarisme,  comme si la religion déterminait automatiquement le patriotisme par le hasard de la naissance.  Une réponse qui révèle, par contrecoup, les ravages du confessionnalisme au Liban et la gangrène des esprits du fait de ce système institué par la France, l’unique pays au Monde qui se réclame, paradoxalement, de la laïcité.

L’hostilité du députe nassérien au Traité de paix libano-israélien lui valut une campagne de presse perfide menée par un dignitaire sunnite, Cheikh Mohamad Ali Jouzou, relayée par un plumitif versatile, Aouni Al Kaaki, qualifiant Najah Wakim d’« ennemi de l’Islam et des Musulmans». Rien que cela.

L’assassinat de René Mouawad

Najah Wakim suggère la piste suivante à propos de l’assassinat du président René Mouawad, mort dans un attentat le 22 novembre 1989, le jour de la fête de l’indépendance du Liban, et sept ans après l’assassinat de Bachir Gemayel, tué dans attentat à l’explosif à la veille de son entrée en fonction, en septembre 1982.

« Le général Ghazi Kanaan, le commandant en chef des forces syriennes au Liban, a songé à se débarrasser du président Mouawad, car ce dernier songeait à désigner Salim El Hoss, premier ministre, sans le consentement syrien, sans qu’il n’y ait eu non plus une entente préalable entre le président et Damas sur les nominations aux postes stratégiques », avance en guise d’hypothèse Najah Wakim

Ghazi Kanaan, gauleiter du Liban pendant deux décennies, a été promu à son retour à Damas au poste de ministre de l’Intérieur ; sur fond d’informations persistantes sur sa corruption, il s’est infligé la sanction de son échec libanais, en se suicidant à son bureau ministériel, à la suite de l’assassinat de Rafic Hariri, en 2005, et le dégagement de l’armée syrienne du Liban

La voracité de Rafiq Hariri

Najah Wakim déplorera le fait que Salim Al Hoss, le rival Sunnite de Rafic Hariri au poste de Premier ministre, ait manqué de pugnacité face à la voracité du milliardaire libano-saoudien.

Mais Najah Wakim ne se contente pas de protestations verbales. Joignant le geste à la parole, il édite un ouvrage intitulé « Les Mains Noires », qui se présente comme une vaste opération « mains propres », sur le modèle italien de Mani Pulite sur les agissements criminels de la mafia en Italie.

En 301 pages, truffées de tableaux synoptiques et de données de chiffres, cet opposant irréductible se lance dans une entreprise de démolition en règle de celui que des thuriféraires empressés gratifiaient abusivement du titre de « Baron Hausman de la résurrection de Beyrouth ». Ce pavé dans le marigot éclabousse au passage l’ami français du crésus libanais, le président Jacques Chirac, pour le partenariat affairiste que les deux hommes avaient conclu à leur accession simultanée au pouvoir dans la décennie 1990.

SOLIDERE

Le sujet avait déjà été abondamment traité dans son précédent livre « Les Mains Noires » en démontrant comment le milliardaire Libano-saoudien, à coups de prévarication, avait réussi à faire main basse sur le centre-ville de Beyrouth, détruit lors de la guerre civile, en vue de la rénovation de la capitale libanaise.

Outre Najah Wakim, « trois personnalités ont manifesté leur opposition au projet SOLIDERE, Société Libanaise de Reconstruction : Elias Saba, ancien ministre de l’économie, Albert Mansour, député progressiste grec catholique de Baalbeck et Hassan, Ar Rafai, député sunnite du nord-Liban, mais ce dernier ralliera finalement le projet, écrira-t-il.

Sur sa lancée, Najah Wakim traite en outre abondamment de la corruption au Liban, particulièrement le système corruptif de Rafic Hariri, la vénalité du président Elias Hraoui, de son ministre de la défense, Mohsen Dalloul, ainsi que l’escamotage des conclusions de la commission d’enquête créée pour juger la corruption sous la mandature d’Amine Gemayel, ainsi que la vénalité des députés libanais lors de la conférence de Taif (Arabie saoudite), acte fondateur de la II ème République libanaise marquée par le déclassement des prérogatives constitutionnelles des Maronites.

En tandem avec son partenaire en affaires, Sami Maroun, le président phalangiste prélevait une commission sur les transactions économiques au Liban conclues sous son mandat, au point que des humoristes le gratifiaient du quiz suivant : Quel est le vin préféré d’Amine Gemayel ? Et la réponse était limpide : Vingt pour cent, par allusion au montant de la dîme qu’il percevait sur les transactions économiques au Liban

Sur Taif, dans un remake de l’élection d’Elias Sarkis, en 1976, « les députés libanais quémandaient auprès des Saoudiens des gratifications. Ils faisaient acte de mendicité », déplore Najah Wakim.

Sur Rafic Hariri

Sur le tandem Chirac-Hariri

Abdel Halim Khaddam, une alliance rare de la trivialité et de la morgue.

Pro consul de la Syrie au Liban pendant 29 ans, Abdel Halim Khaddam, vice-président de la République syrienne, a ponctionné abusivement le Liban, le transformant même en dépotoir toxique du type Seveso, mais celui qui s’est comporté en factotum docile de son maître , le président syrien Hafez Al Assad , troquera sa loyauté envers le président de son pays, à une servilité envers Rafic Hariri,  le premier ministre sunnite libanais, sous l’effet corrupteur du Roi dollar et la «diplomatie du carnet de chèques » pratiquée par le milliardaire libano-saoudien  dans l’exercice du pouvoir (1992-2005).

Sa conversion tarifée du socialisme professé par le parti Baas syrien au sunnisme pétro monarchique, puis son ralliement à la confrérie des Frères Musulmans, l’ennemi déclaré du régime baasiste dans la guerre de destruction de la Syrie menée par une coalition internationale de 120 pays (2011-2022) lui vaudra une somptueuse gratification, l’hôtel particulier du Nabab grec Aristote Onassis sur la prestigieuse avenue de Paris, l’Avenue Foch.

Mais ce serviteur successif de maîtres aux orientations politiques diamétralement opposées vaudra à M. Khaddam, dont le nom en arabe signifie littéralement « serviteur », ce constat sans appel de ses opposants : Khaddam, un laquais qui mérite bien son nom.

Le récit de Najah Wakim : « Khaddam, dont la morgue et la trivialité étaient de notoriété publique, tance Nabih Berry, président du parlement, et Walid Joumblatt, chef druze et président du Parti Socialiste Progressiste ; « Vous devez gouverner le Liban par la semelle de vos chaussures ».

Puis s’adressant à Najah Wakim, le syrien évoque le Hezbollah en termes méprisants, se moquant de la dénomination de la formation paramilitaire chiite : « Ceux qui se proclament comme un Parti de Dieu » te conviennent-ils ? Il est important de les assiéger et de les neutraliser », assure-t-il.

Curieux comportement que cet homme politique qui passera dans l’histoire comme le premier dans l’ordre de la trahison des démocrates lors de la séquence dite du printemps arabe.

Abdel Halim Khaddam, se vivant en gardien du temple baasiste, redoutait une Perestroïka à la Boris Eltsine, hyper capitaliste, ultra libérale, qui aurait menacé les privilèges de la caste dominante. Le coup d’arrêt avait été expliqué alors par la crainte d’un débordement, une dérive selon le schéma algérien, une «Algérisation» (Jazzara, selon le terme de Khaddam), dans une zone ployant sous l’arbitraire bureaucratique, alors que la Syrie était prise en tenaille, entre Israël et la Turquie, par une alliance de revers entre ses deux partenaires stratégiques des Etats Unis, de surcroît en butte à l’hostilité du régime rival baasiste irakien.

Dans la bataille pour la succession de Hafez Al Assad, Khaddam se voyait déjà en tête de l’affiche et se croyait promu aux plus hautes destinées de son pays. Mais le hic est que le Hezbollah se méfiait de ce caméléon politique cupide et vorace. Le moine soldat de l’Islam moderne opta pour Bachar et pencha la balance en faveur du fils du président défunt…dans une belle illustration de l’adage selon lequel la vengeance est un plat qui se mange froid.

Sur Abdel Halim Khaddam

Sur les Maronites

Sur la Guerre du Liban

Sur l’équipée des milices chrétiennes durant la guerre du Liban

et sur les  marchands d’armes de la Guerre du Liban

Sur ce thème, cf, ce lien :

Pour le locuteur arabophone cf ce lien.  La recension en langue arabe de l’ouvrage de Najah Wakim a été assurée par M. Assad Abou Khalil, universitaire libano -américain, professeur de sciences politiques à l’université d’État de Californie à Stanislaus et professeur associé à l’université de Californie à Berkeley.

Sur la corruption au Liban, ce dossier en trois volets

René Naba

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l'AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l'information, membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme et de l'Association d'amitié euro-arabe. Auteur de "L'Arabie saoudite, un royaume des ténèbres" (Golias), "Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français" (Harmattan), "Hariri, de père en fils, hommes d'affaires, premiers ministres (Harmattan), "Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David" (Bachari), "Média et Démocratie, la captation de l'imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l'Association d'amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Editorialiste Radio Galère 88.4 FM Marseille Emissions Harragas, tous les jeudis 16-16H30, émission briseuse de tabous. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.

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Un commentaire
  • Bonjour Salam René

    Je l’ai vu hier sur une chaine youtube,
    https://www.youtube.com/watch?v=42GwyASv0Z4

    toujours aussi pugnace malgré l’âge, comme pour tout un chacun,
    J’ai toujours apprécié cet homme et son franc parler, Ah si tous les hommes politique libanais étaient ainsi, surtout quand on écoute le discours du nouveau ministre des affaires étrangères libanais, jamais vu un MAE s’en prendre à un parti de son propre pays et exonérer les sionistes, il doit être du parti de Geagea ce nouveau Mae