France-Islam: Aux origines de la crise de l'islamologie en France

France-Islam: Aux origines de la crise de l'islamologie en France 938 440 Sadek Sellam

Dernière mise à jour le 25 septembre 2019

ou « La part de responsabilité du jospinisme universitaire dans la montée du djihadisme en France ».

Prologue

« Le « démantèlement » était visible depuis un quart de siècle. Il suffit de rappeler la suppression pure et simple de la chaire de droit musulman de Paris I qui conduisit au départ des dizaines d’étudiants orientaux en Grande Bretagne et au Canada pour y suivre des études juridiques qu’ils auraient voulu faire chez les successeurs de Berger-Vachon.

Après le départ à la retraite de Roger Arnaldez, sa chaire de philosophie musulmane de Paris IV fut transformée en chaire de…philosophie allemande! C’était l’un des rares endroits où l’on pouvait étudier l’éthique musulmane dont on nous dit, à juste raison, que son enseignement servirait à prévenir les radicalisations.

« On peut citer, entre autres exemples de démantèlement, le sort du Centre d’Etudes de l’Orient Contemporain dont le décret de création avait été rédigé par le général De Gaulle lui-même, qui recommandera de porter à plus de vingt par an le nombre d’agrégés d’arabe.

Retour sur ce désastre intellectuel avec la publication des « Recommandations de Sadeq Sellam à un jeune chercheur canadien pour le prévenir au sujet de l’ISSMM ». Avec l’autorisation de l’auteur.

Note de la rédaction www.madaniya.info

Par « jospinisme universitaire » l’auteur du texte résume la politique menée sur le plan des études islamiques par l’ancien premier secrétaire du Parti Socialiste Français, Lionel Jospin, en sa qualité de ministre de l’éducation, puis de premier ministre (1997-2002), en tandem avec son ami et adjoint Claude Allègre.
Lucette Valensi : Historienne française, née sous le nom de Lucette Chemla à Tunis en 1936.

Roger Fauroux : Inspecteur des Finances, ancien patron de la firme française mutinationale Saint Gobain, ancien Directeur de l’Ecole Nationale d’Administration, ministre de l’Industrie sous le gouvernement Michel Rocard (1988-1991).

1- « Recommandations de Sadeq Sellam à un jeune chercheur canadien pour le prévenir au sujet de l’ISSMM »

Comme cela était prévisible, Lucette Valensi s’est dérobée. Mais elle avait daigné s’entretenir avec toi, sans invoquer sa retraite, ni te renvoyer à ses collègues en exercice, comme elle vient de le faire avec moi.

Avec toi, elle a dû te servir le discours auquel j’avais eu droit juste après la création de la mini-structure qui lui aura permis d’être directrice de quelque chose, pour compenser, en partie, l’échec de sa candidature à la présidence de l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes des Sciences Sociales).

Après cet échec elle était dans un état de mélancolie (al milanqolia des philosophes arabes) chronique. Je savais que ce qu’elle disait était faux. Et elle sait maintenant que je sais qu’elle maquillait la vérité. Elle s’avoue implicitement incapable de confronter son discours de propagande aux dures réalités d’aujourd’hui.

Malgré l’évidence, avec les non-initiés, elle essaie encore d’imposer sa « vérité » politico-clanique pour tenter de retarder l’établissement de la vérité historique. C’est plutôt étonnant de la part d’une historienne. Sait-elle au moins que cet attachement à un discours de dissimulation de la vérité peut semer le doute sur la totalité de son « œuvre »-dont l’ex-directeur d’une revue de sociologie m’a dit : « elle ne marquera pas notre époque »? .

On ne peut s’empêcher de supposer qu’elle a dû faire la même chose en rédigeant l’histoire du Maghreb avant 1830, ou celle des Juifs de Djerba (malgré ce repli communautaire, elle se dit anti-communautariste !), en donnant les apparences de la scientificité à ses nombreux préjugés personnels et à ses tenaces présupposés idéologiques ?

Pour t’éviter de prolonger la durée de vie d’un discours mensonger qu’elle espère encore diffuser outre-Atlantique surtout, je t’enverrai mes notes de l’époque que j’ai rédigées en temps réel après avoir obtenu des démentis à tout ce qu’elle m’avait raconté de la part de membres de l’EHESS qu’elle intimidait en mettant en avant ses relations avec la famille Jospin.

Ils étaient outrés de voir leur nom sur une liste dressée à leur insu, affichée partout et qu’elle avait écrit son nom en gros caractères en faisant croire que tous ceux et toutes celles qui faisaient des recherches sur le pauvre Islam travailleraient pour elle. A partir de sa nomination à la suite d’un hold up qu’elle avait préparé avec le pauvre et arrogant protégé recyclé dans la bureaucratie pour faire oublier et oublier la médiocrité de sa production.

2- Lucette Valensi, “combattante suprême de l’islamologie décadente”

Je me souviens encore de sa superbe quand elle s’attardait à me raconter comment Didier Motchane, alors tout puissant conseiller de Jean Pierre Chevènement au ministère de l’Intérieur, s’était abaissé à venir la voir, malgré ses difficultés de locomotion. Elle avait l’air de se sentir plus importante que nature du fait d’avoir obligé à se déplacer jusqu’à elle l’influent conseiller spécial du ministre d’Etat chargé de l’Intérieur, qui voulait sauver au moins le projet d’université ouverte de l’Ecole des Hautes Etudes de l’islam, dont elle continue à dire qu’elle en ignorait l’existence.

Elle voulait faire savoir à quel point elle était devenue importante. Ce faisant, elle ne faisait que révéler sa fascination pour le pouvoir, qui doit dater de son passé tunisien marqué par le culte de Bourguiba. Cela lui valut le surnom de « Combattante Suprême de l’islamologie décadente ».

À la même période, le regretté Charles Robert Ageron, spécialiste de la colonisation française, m’a raconté qu’elle était venue voir C. A. Julien qui connaissait bien l’histoire du protectorat et classait un certain Valensi parmi les profonds ignorants. Elle a essayé de se faire passer pour une studieuse fille issue d’une famille modeste qui devait tout à ses mérites propres. Mais elle a fini par implorer le silence du grand historien juste pour lui permettre de s’inventer une origine populaire afin de se donner un profil de gauche (caviar ?).

Je me rappelle aussi avoir vu dans son bureau un livre à la gloire de Ben Ali auquel elle a du collaborer en se faisant payer plus cher qu’Antoine Sfeir -son passé tunisien la rendant plus légitime donc admise à bénéficier des passe-droits de Léïla Trabelsi- qu’elle devait prendre pour un modèle de « musulmane émancipée ». Comme beaucoup, elle tenait cette dictature pour un « rempart contre l’intégrisme ».

Des deux heures de bavardages et de pseudo-amabilités servant à noyer le poisson, j’ai retenu cette inoubliable exclamation : « l’éducation des jeunes musulmans en France, ce n’est pas mon problème ». Cela m’éviterait d’en faire le rappel (cela le sera dans mon prochain livre, avec les commentaires qu’impose la situation crée après les attentats contre Charlie Hebdo (7 janvier 2015 et de Paris Bataclan le 13 Novembre 2015) pour introduire plus de nuances dans la répartition des responsabilités des derniers attentats, où seuls les imams et les aumôniers musulmans sont pointés du doigt.

Alors que les responsabilités de Lionel Jospin, Claude Alègre, Ilbert, Lucette Valensi, Pouillon, Johansen et Roger Fauroux sont autrement plus engagées.

Les chercheurs qui la connaissaient savaient sa singulière conception des relations entre le « savant et le politique ». L’invitation de Roger Fauroux, qui devait lui aussi sa nomination à la tête du Haut Conseil de l’Intégration à ses bonnes relations avec la famille Jospin, confirmera son obsession du pouvoir de façon éclatante.

Devant un parterre de chercheurs habitués à un peu plus de rigueur et à un minimum d’érudition, Fauroux a débité des lieux communs, farcis d’approximations et parfois d’inexactitudes sur l’Islam en France. Les échanges de regards et de sourires ironiques montraient que ces chercheurs n’étaient pas dupes.

Mais l’intimidation sur laquelle Valensi et sa bande fondaient leur relation à autrui imposa un silence gêné.

Lucette Valensi chargea un spécialiste allemand du hanéfisme (mais ignorant en matière d’Islam transplanté) de jouer à l’inquisiteur contre quiconque osait sortir du nouveau « politiquement correct » (qu’ils souhaitaient devenir un « historiquement correct ») pour venir troubler cet échange de bons procédés entre, d’un côté, un spécialiste de l’Industrie désireux de se rendre légitime sur l’Islam par des universitaires qui n’avaient jamais réfléchi à la situation des musulmans en France et, de l’autre, des carriéristes ravis de bénéficier des faveurs de la gauche caviar et tenant à mettre en avant cette relation au pouvoir pour obtenir le « respect » que leur maigre production ne suffisait pas à leur rapporter.

Quand je lui ai demandé à quel titre il voulait interdire toute critique des insuffisances du discours ministériel sur l’islam, alors qu’il venait de donner la parole à Abou Zeid pour apprendre à ces attardés de musulmans comment critiquer le Coran, elle s’est égosillé « mais le rapport de l’ancien ministre est dans le bureau du premier ministre !!! »

Un texte où les sociétaires du HCI juxtaposaient des lieux communs empruntés aux chroniqueurs religieux acquiert donc une sorte de sacralité aux yeux de cette professeur devenue arrogante avec les chercheurs, et méprisante avec les musulmans qui ne ressemblent pas à ses informateurs indigènes et obséquieuse avec quiconque naviguait dans les eaux du pouvoir.

Elle qui prétendait inculquer l’esprit critique à ces attardés d’Arabes jugés trop émotifs, surtout dans leur critique de l’agressivité israélienne. Nul doute qu’elle aurait fait la promotion de Tarek Oubrou uniquement pour récompenser ses répétitions sur la nécessité d’oublier la Palestine par tout musulman désireux de se faire admettre en France.

Mais toute cette morgue prit fin avec l’état d’euphorie contrarié par le 21 avril 2002. Puis le 14 janvier 2011 a du mettre Valensi dans un état de deuil. Et les attentats de Paris ont du provoquer chez elle un début d’examen de conscience. Est-ce parce qu’elle sentit que je voulais vérifier les avatars de ses “khawatir» qu’elle invoqua la retraite pour refuser l’entretien avec moi ?

Quant aux assertions servies doctement par Fauroux sur « l’absence de demande d’aumôniers militaires musulmans », elles devinrent ridicules quand Michele Alliot-Marie (une autre admiratrice du couple Ben Ali-Trabelsi) signa un décret pour la création de postes pour des musulmans assez instruits qui eurent d’office le grade de capitaine.

J’avais osé interpeller Roger Fauroux là-dessus car je venais directement des archives militaires où j’avais photocopié un paquet de documents sur les refus de création de postes d’aumôniers militaires musulmans depuis 1945.

Tous les rédacteurs de ces pièces reconnaissaient l’importance de la demande mais invoquaient des raisons sécuritaires pour justifier les refus obstinés. Et le pauvre Fauroux affirmait doctement avoir vérifié l’absence de demande, tandis que Valensi et Johansen opinait du chef obséquieusement du fait de cette complaisance, Fauroux a dû sortir ce soir là en se sentant une âme de grand islamologue qui s’ignorait !
Tu peux essayer de voir Pouillon. Si tu lui dis que tu vas le faire connaître outre-Atlantique, peut-être acceptera-t-il de répondre à tes questions sur sa laborieuse justification du renoncement au projet d’Université Ouverte, au motif qu’il n’y avait pas, selon lui, « de demande » (ils se sont passés ce slogan inventé par leur ex-ministre Fauroux).

Quand il m’a dit cela, je venais de passer une après-midi à expliquer l’Islam à 150 inscrits au département de formation permanente d’une université parisienne. Interroge-le sur son apologie des orientalistes par laquelle il essaya de répondre, sur le tard, aux accusations de collusion orientalisme-colonialisme par Edward Saïd.

Les questions embarrassantes, pose-les à la fin. Juste avant de prendre congé interroge-le sur les vraies raisons qui firent de lui le seul maître de conférence à avoir été recruté sans thèse par Valensi.

Il faudrait compléter par l’évocation des relations hypocrites de Valensi avec Madjid Turki, qui connaissait bien les problèmes de l’islam en France depuis sa participation aux travaux de la « Commission Nationale des Français Musulmans » à la fin de la décennie 1970.

Au lieu de faire appel à ses compétences, et à celles de Mérad, autre membre actif de la même Commission, elle a actionné un de ses protégés qui accepta le rôle « d’informateur indigène » qu’elle a lancé dans des chaouchages qui aboutirent à l’éviction de Turki de la direction Studia Islamica.

Le bilan de cet informateur indigène à la tête de cette revue qui fut prestigieuse est aussi médiocre que celui des trois années de Valensi à la tête de l’ISSMM (qu’on appelait la « MJC anti-islamique ») et cela en dit long sur le rôle joué par cette coterie dans l’accélération du déclin des études islamiques en France.

Elle reprochait à Turki ses relations avec Hichem Djaït à qui elle ne pardonne pas sa déclaration courageuse sur l’incapacité des Annales à rendre compte suffisamment des problèmes de l’Islam.

Elle a mené une véritable croisade destinée à interdire toute invitation à Djaït en France et aux États-Unis. Aux émissions de novembre sur Arte, Djaït faisait sûrement allusion à elle quand il a ironisé sur les « orientalistes de seconde zone ».

Ne prend néanmoins pas le risque de heurter Hamit Bozarslan en révélant tout cela. Il se peut qu’il soit encore resté solidaire de cette bande. Et il doit être aussi gêné aux entournures par l’évocation du hold up et du maigre bilan de l’ISSMM (il fit partie de la 2e vague de bureaucrates aspirant au titre de spécialiste de l’islam) que toute étude objective sur les causes des attentats du 7 janvier 2015 (Charlie Hebdo) et du 13 novembre 2015 (Paris – Bataclan) devrait retenir.

Avant la soutenance, tu pourrais consacrer un article, de préférence en anglais (qu’ils ne verront pas) avec un titre général («le savant carriériste et le politique de la gauche caviar») sur ce triste épisode qui reste la honte du jospinisme universitaire en racontant la vraie histoire du hold up, et en mentionnant la fascination pour le pouvoir qui sert aux chercheurs peu productifs à s’imposer par l’intimidation.

Tu complèteras en commentant les effets contraires du 21 avril 2002. Cet épisode a ramené cette poignée de carriéristes à plus d’humilité.

(NDLR : L’élimination de Lionel Jospin au 2e tour des élections présidentielles au profit de Jean Marie Le Pen, le candidat de l’extrême droite).

Mais il manque encore à ces faux scientifiques ce qu’il faudrait d’honnêteté et de respect de la vérité historique pour justifier un véritable examen de conscience, voire une repentance en bonne et due forme.

Car le sang a trop coulé pour q’on laisse les discours de propagande accabler les seuls musulmans et pointer du doigt les imams et aumôniers musulmans dans leur ensemble sans leur laisser la possibilité de s’expliquer. Rappeler les charlatanismes du jospinisme universitaire est un devoir civique pour les musulmans comme pour les non musulmans.

3- Le « démantèlement » était prévisible

Le « démantèlement » était visible depuis un quart de siècle. Il suffit de rappeler la suppression pure et simple de la chaire de droit musulman de Paris I qui conduisit au départ des dizaines d’étudiants orientaux en Grande Bretagne et au Canada pour y suivre des études juridiques qu’ils auraient voulu faire chez les successeurs de Berger-Vachon.

Après le départ à la retraite de Roger Arnaldez, sa chaire de philosophie musulmane de Paris IV fut transformée en chaire de… philosophie allemande ! C’était l’un des rares endroits où l’on pouvait étudier l’éthique musulmane dont on nous dit, à juste raison, que son enseignement servirait à prévenir les radicalisations.

On peut citer, entre autres exemples de démantèlement, le sort du Centre d’Etudes de l’Orient Contemporain dont le décret de création avait été rédigé par le général De Gaulle lui-même, qui recommandera de porter à plus de vingt par an le nombre d’agrégés d’arabe.

Dans l’imaginaire occidental, “les Arabes ne seraient-ils que les accessoires humains des puits de pétrole”, comme le susurrent les anglo saxons et que déplorait notamment Jacques Berque, un connaisseur, lui, du Monde arabe et de la civilisation musulmane. Et non un charlatan ou un de ces gadgets médiatiques qui saturent nos lucarnes avec leur verbiage creux.

Note
  1. Sadeq Sellam : Historien de l’islam contemporain. Auteur de plusieurs ouvrages dont La France et ses Musulmans. Un siècle de politique musulmane (1895-2005). Fayard. 2006.
Sur la même thématique

https://www.madaniya.info/2016/02/12/des-rapports-entre-les-socialistes-francais-et-l-islam/

2 – L’Institut d’Etudes de l’islam et des socétés du monde musulman (ISMM)

Présentation
Créé en 1999 par le Ministère de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, au sein de l’École des hautes études en sciences sociales, l’Institut d’études de l’islam et des sociétés du monde musulman – IISMM – met en œuvre trois missions :

  1. Ouvrir un espace de collaborations et d’échanges entre chercheurs spécialisés dans l’étude du monde musulman (axes de recherche, séminaires de recherche, manifestations scientifiques)
  2. Diffuser un enseignement et proposer un soutien aux jeunes chercheurs
  3. Contribuer à la diffusion des savoirs scientifiques sur l’islam et le monde musulman, par ses publications, une veille éditoriale, des cycles de conférences ouverts à un large public, des actions de formation à destination de professionnels dans les administrations publiques et les entreprises

Localisé à Paris, l’Institut s’attache à coordonner ses actions pédagogiques et de recherche avec les autres pôles scientifiques en France et à l’étranger.
L’IISMM est dirigé par un directeur, nommé par la présidence de l’École. Ses programmes sont soumis au conseil scientifique de l’EHESS.
Le conseil scientifique de l’Institut, nommé pour quatre ans, exprime un avis sur les orientations de recherche et procède à l’évaluation de l’ensemble des actions entreprises par l’IISMM.
L’activité scientifique et pédagogique est anmée par un comité de pilotage qui se réunit périodiquement au cours de l’année .

Sadek Sellam

Sadek Sellam est un écrivain et historien franco-algérien. Historien de l’Islam contemporain. Auteur de plusieurs ouvrages dont La France et ses Musulmans. Un siècle de politique musulmane (1895-2005). Fayard. 2006.

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