L'extrémisme religieux en Asie et en Afrique

L'extrémisme religieux en Asie et en Afrique 938 400 René Naba

Texte d’une intervention à la 28 ème session du Conseil des droits de l’homme – Genève 11 Mars 2015 – Colloque organisé par l’ONG RADDHO (Rencontre Africaine pour la défense des Droits de l’Homme).

Colloque tenu sous l’égide de Biro Diawara, président du RADDHO et descendant de l’Almamy Samory Touré fondateur de l’Empire Wassoulou, chef du combat nationaliste africain contre la colonisation française en Afrique de l’Ouest.

Une spécificité africaine

Une indépendance tardive et formelle

L’Afrique est le continent qui a le plus tardivement accédé à l’indépendance, particulièrement la zone subsaharienne. Le Ghana, ancienne Gold Coast, l’a été en 1957 et la décolonisation de l’Afrique noire francophone dans la décennie 1960, sans la moindre guerre de libération nationale. Les seules guerres de libération menées ont été les guerres de libération des places, les guerres d’accaparement des palaces et des limousines.

Nullement le fait de la générosité française, l’indépendance octroyée d’un trait aux 13 colonies de l’Afrique occidentale et centrale française (Sénégal, Mauritanie, Guinée, Mali, Côte d’Ivoire, Niger, Gabon, Tchad, Cameroun, Congo Brazzaville, Haute Volta, Dahomey, République Centre Africaine) répondait à des nécessités de survie démographique. Contrairement à l’Afrique portugaise où Samora Machel (Mozambique), Holden Roberto et Augustino Neto (Angola) et Amicar Cabral (Guinée Bissau) ont durement croisé le fer contre leur colonisateur pour accéder à l’indépendance.

Bien que les statistiques ethniques soient officiellement bannies en France, elles n’en sont pas moins intégrées dans l’ordre subliminal dans les prospectives stratégiques de la nation. Les pertes de l’armée française durant la II me guerre Mondiale (1939-1945), de l’ordre de 100.000 soldats, surajoutées aux pertes françaises lors de la défaite de Bien Bien Phu, qui marqua la fin de la guerre d’Indochine dix ans plus tard, de l’ordre de 5.000 soldats, aux pertes françaises dans la guerre d’Algérie, de l’ordre de 15.000 soldats du contingent… la blancheur immaculée de la population française risquait de pâtir à terme de la pigmentation de l’apport mélanoderme résultant des besoins en main d’œuvre d’un pays en phase de reconstruction.

Le lestage de l’empire français s’est opéré sous couvert d’une Grande Communauté Franco Africaine, permettant à la France de concéder une indépendance formelle à ses anciennes colonies, tout en maintenant sous contrôle ses anciennes possessions. Du beau travail d’équilibriste.

Les figures emblématiques : « Il y a quelqu’un de pire qu’un bourreau, son valet » Mirabeau.

Toutes les figures emblématiques du combat pour l’indépendance ont été limogées par leurs compatriotes, sous traitants des anciens colonisateurs, quand ce n’est par le colonisateur lui même qui s’en est chargé, comme ce fut le cas avec Félix Moumié, le dirigeant nationaliste du Cameroun (UPC) empoisonné par l’homme en charge du dossier Afrique sous la présidence du Général Charles de Gaulle (1959-1969) Jacques Foccart en personne.

Il en a été été ainsi de Modibo Keita (Mali) par le lieutenant Moussa Traoré, de Thomas Sankara (Burkina Faso) par son frère d’armes Blaise Compaoré, de Patrice Lumumba par le sergent Joseph Désiré Mobutu, agent de la CIA, d’Amadou Aya Sanogo contre l’ordre républicain de son pays, le Mali. Aucun putschiste n’a payé son forfait et Dakar et Abidjan tendent à devenir le lieu d’échouage des anciens éléphants de la Franceafrique : Hissène Habré (Tchad), Amadou Toumany Touré (Mali), Blaise Compaoré (Abidjan).

Tous les potentats se sont assurés une police de survie en alimentant la classe politique française de djembés et de mallettes de Félix Houphouet Boigny (Côte d’Ivoire), à Omar Bongo (Gabon), à Mobutu (Congo Kinshasa) à Denis Sassou Nguesso (Congo Brazzaville); une pratique qui perdure près de 60 ans après l’indépendance, alors que l’Afrique a fait l’objet de la pus forte dépossession de l’histoire, de la plus forte spoliation de l’Histoire.

Sur le plan de l’Islam : Rationalité cartésienne ou incohérence mentale ?

À l’ère coloniale, le pouvoir colonial a combattu les représentants de l’Islam national, Almamy Samoury Touré (Guinée/1830-1900) et Ahmadou Bamba (Sénégal), exilés au Gabon, quand il ne s’est pas chargé de les soudoyer au service de sa politique coloniale.

La laicité n’est qu’apparence, un paravent pour masquer la duplicité de la politique française. Ainsi, au mépris de la loi sur la séparation de l’église et de l’état, la France a institutionnalisé et instrumentalisé le confessionnalisme politique au Liban, -système qui prévoit une répartition des pouvoirs selon les communautés religieuses-, institutionnalisé et instrumentalisé le tribalisme au Cameroun, concluant, en 1905, un arrangement avec la Confrérie Mouride du Sénégal, autorisant cette instance représentative d’une fraction de l’Islam sénégalais à faire le commerce des arachides en contrepartie de son soutien à la politique coloniale française en Afrique, devenant le principal pourvoyeur en « chair à canon » des troupes coloniales durant les deux Guerres mondiales (1914-1918,1939-1945).

À l’indépendance, le pouvoir post colonial, sur l’incitation de son ancien tuteur français, a favorisé un rapprochement avec les pétromonarchies du golfe pour faire barrage au marxisme à l’apogée de la guerre froide soviéto-américaine. Une politique amorcée dans la foulée de la 3eme guerre israélo-arabe d’octobre 1973, dans le prolongement du boom pétrolier et de la rupture collective des relations entre l’Afrique et Israël.

Sous l’effet du mirage pétrolier et des conseils de la firme pétrolière française ELF, Bernard Albert Bongo est ainsi devenu Omar Bongo et le Gabon francophone s’est mué en grande oreille de la France au sein de l’OPEP, le cartel anglophone des pays producteurs de pétrole, (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole). À son tour, la Finance islamique fait son apparition sur le marché africain pour suppléer la France en phase de chômage structurel et de « charter de la honte », avec son cortège de Madrassas, de banques islamiques et de prosélytisme religieux, selon le rite wahhabite.

Cinquante trois millions de Coran ont été distribués gracieusement par l’Arabie saoudite en Asie, en Afrique et en Europe dans la décennie 1970-1980, au plus fort du djihad afghan. Un vingtaine de dirigeants de la Confrérie des Frères Musulmans, dont Ayman al Zawahiri, le successeur d’Oussama Ben Laden, à la tête d’Al Qaida, bénéficiaient à cette époque d’un droit de cité dans les principales villes européennes.

La ré-islamisation des communautés immigrées d’Europe occidentale, -politique connue sous le nom pudique de « réappropriation de la culture d’origine »-, a été menée directement par l’Arabie saoudite, de concert avec le pacte atlantiste, afin de faire barrage à la propagation du communisme dans les franges immigrées de la population expatriée, de l’ordre de 12 millions de personnes à l’époque, et de freiner leur insertion dans les partis et mouvements syndicaux contestataires de l’ordre capitaliste et atlantiste (Parti communiste, CGT).

La décapitation des dirigeants emblématiques du continent, la neutralisation des représentants authentiques de l’islam noir a privé l’Afrique d’anti-corps en mesure de doter le continent d’un système immunitaire efficace face à la subversion téléguidée à distance et attisée par la gangrène locale.

Un interminable cauchemar

L’indépendance des pays africains dans la décennie 1960 avait été saluée comme la fin d’une longue nuit d’oppression, fondatrice d’un comportement d’exemplarité, la sanction de l’échec du système des valeurs occidentales et de l’humanisme blanc.

Quel interminable cauchemar. 79 coups d’états en Afrique entre 1960 à 1990, les trente premières années de son indépendance, 79 coups de force au cours desquels 82 dirigeants ont été tués ou renversés, selon le recensement établi par Antoine Glaser et Stephen Smith dans leur ouvrage « Comment la France a perdu l’Afrique » Éditions Calmann-Lévy 2005.

Des dirigeants caricaturaux ancrant dans l’imaginaire du Monde les pires poncifs sur les « Nègres » : Un caporal de police, John Gideon Okello, autopropulsé Maréchal de son pays, sabrant au passage près de 20.000 arabes de son royaume du Zanzibar avant de se faire absorber par le Tanganyika pour constituer la Tanzanie ; un ancien sergent de l’armée britannique, Idi Amine Dada, autoproclamé Maréchal de l’Ouganda, avant de sombrer dans le ridicule de ses frasques ; un sous-officier de l’armée française, Jean Bedel Bokassa, s’intronisant Empereur dans une cérémonie aux fastes désuètement coûteux ; un autre sergent, Joseph Désiré Mobutu, sous-traitant de la CIA, fossoyeur de Patrice Lumumba, amassant une fortune de près de 40 milliards de dollars, équivalente à la dette publique de son pays, la République Démocratique du Congo, interdit de séjour, en fin de vie, suprême infamie, en France, par une classe politique, qu’il a nourrie pendant ses 40 ans de règne.

Un « indic patenté » Charles Taylor, espionnant ses pairs africains pour le compte des services américains, instrumentalisant des enfants combattants pour le pillage des diamants de son sous-sol ; un présumé « sage de l’Afrique », ancien compagnon de routes des communistes, entretenant à grand frais ses anciens colonisateurs, ruinant son pays dans de pharaoniques projets, édifiant sur place la copie conforme de la basilique Saint Pierre de Rome, le siège du Souverain Pontife, plutôt que de valoriser l’architecture africaine dans son génie créateur ; le lieutenant Moussa Traoré, écumant d’ambition au point de déboulonner de sa haute stature morale le père de l’indépendance malienne, Modibo Keita.

Un ancien économiste marxisant, le sénégalais Abdoulaye Wade, transformé en chantre de l’ultra libéralisme prédateur ; un président off shore, Paul Biya, gouvernant son pays à distance, neuf mois par an, préférant à la chaleur de son Cameroun natal, le froid glacial des cimes enneigés de la Suisse, des dynasties républicaines maintenues au forceps par la France ; au Gabon, où Ali Bongo succède à Omar, malgré le verdict des urnes, au Congo Kinshasa, où Joseph Kabila succède à Laurent, sans autre forme de procès.

Une foire de cocagne : des châteaux en Espagne, des parcs de limousines rutilantes en France. Une foire d’empoigne : des guerres interethniques et des assassinats inter-tribaux. 18 coups d’état en 30 ans sur fond d’évaporation de recettes, de fonds vautour et de profond mépris du peuple.
Entrer dans l’Histoire, selon le schéma français ? Trop peu pour l’Afrique qui mérite mieux et plus. Quelle abomination et quelle honte à l’Afrique de nourrir ses anciens bourreaux ! Cinq siècles d’esclavage pour un tel résultat.

Pour continuer à entretenir à grands frais l’un de ses colonisateurs les plus implacables, la France, l’un de ses tortionnaires les plus effrontés, Jean Marie Le Pen. Sans la moindre pudeur pour les victimes de la traité négrière, de l’esclavage, des zoos ethnologiques… les bougnoules, les dogues noirs de la République ? Gabon, Congo, Côte d’Ivoire, Sénégal, Guinée équatoriale. Drôle de riposte que de cracher au bassinet lorsqu’on vous crache sur la gueule. Qu’il est loin le temps béni des Mau Mau du Kenya. À vomir ces rois fainéants, dictateurs de pacotille de pays de cocagne.

La honte ! Vénalité française et corruption africaine, combinaison corrosive, dégradante pour le donateur, avilissante pour le bénéficiaire. 400 milliards évaporés en 35 ans du continent africain vers des lieux paradisiaques, de 1970 à 2005, en superposition aux 50 milliards de dollars au titre des intérêts de la dette, des Djembés et des mallettes, selon les estimations de la CNUCED.

Jamais la Françafrique, le plus extraordinaire pacte de corruption des élites françaises et africaines à l’échelle continentale, n’a autant mérité son nom de « France à fric », une structure ad hoc pour pomper le fric par la vampirisation des Africains pour la satisfaction de la veulerie française. Aberrant et Odieux.
Qu’attendent donc les Africains pour dégager leurs dirigeants fantoches, pourris parmi les plus pourris. Pas plus difficiles à dégommer que Moubarak et Ben Ali. Surtout pas à l’aide de l’Otan, la coalition de leurs anciens bourreaux, mais à la sueur de leur front, avec les larmes des patriotes et leur sang, pour sceller définitivement la reconquête de la dignité de l’Afrique.

Strate parasitaire et obséquieuse. Ventouses et vampires plus vrais que nature, plus conformes à la réalité. En toute impunité. Sans aucune pudeur, sur fond de quadrillage en douceur de l’Afrique à coups de sigle abscons Recamp, Eurofor, Serval…

Seul échappe au discrédit général, Pretoria, le nouveau pôle de référence morale de l’Afrique du fait de l’imposante stature de Madiba Invictus, « maître de son destin, capitaine de son âme », Nelson Rolihlahla Mandela, le tombeur de l’apartheid, le fondateur de la nation arc en ciel, le vainqueur moral de l’Occident par KO technique, l’exemple impératif à suivre pour la génération de la relève africaine.

En 2003, le nombre des millionnaires en dollars, tous pays confondus, s’est élevé à 7,7 millions de personnes, soit une progression de 6 % par rapport à 2002, ce qui signifie que 500.000 nouveaux millionnaires en dollars avaient émergé en l’espace d’un an. En Afrique, durant cette même période, le nombre des millionnaires en dollars avait doublé par rapport à la moyenne mondiale, alors qu’il est de notoriété publique que sur le continent africain l’accumulation des capitaux est faible, les investissements publics quasi-déficients et le produit de l’impôt quasi-inexistant. L’Afrique comptait en 2003, cent mille millionnaires en dollars, en augmentation de 15 pour cent par rapport à 2002 et détiennent, en cumul, des avoirs privés de l’ordre de 600 milliards de dollars.

Du discours djihadiste en Afrique

Contrairement à l’Asie où la subversion djihadiste est endogène, en Afrique, elle est exogène, Un produit d’exportation. En Asie (Afghanistan, Pakistan, Irak, Syrie), l’instrumentalisation de l’islam comme arme de combat d’abord contre l’athéisme soviétique durant la guerre d’Afghanistan, (1980-1989), puis lors du mal nommé « printemps arabe » (2011-2015) contre les régimes républicains arabes, a été le fait des pétromonarchies discréditées, en coopération avec le bloc atlantiste, en vue de la survie de leurs régimes décriés.

Au delà de ses dérives de type terroriste, des prises d’otage et du narco trafic, générateurs de subsides, le discours des groupements islamiques (AQMI, BOKO HARAM) n’est pas décousu. Il est diffluent et renvoie à des blessures internes, en résonance avec les cicatrices béantes du continent, dont les Africains pâtissent dans leur chair et qui demeurent dans l’ordre de l’informulé.

La connectivité extrême et intense entre les blessures africaines et les revendications des groupements islamistes, exacerbées par la démission des élites et le pacte de corruption de la Francafrique expliquent leur « sur-réactivité » dans une sorte de réaction catarcystique.

L’Afrique, en effet, est créancière de l’Occident. Moralement par la traite négrière, militairement par sa contribution aux deux guerres mondiales, (1914-1918,1939-1945) de l’ordre de près d’un million de combattants, dont 200.000 morts.

Et ce n’est pas Serval, en riposte à la déstabilisation du pré carré de la France par le meilleur ami pétromonarque de l’ancienne puissance coloniale, le Qatar, qui exonéra la France de sa dette à l’égard du Mali, le plus fort contingent des troupes coloniales, avec l’Algérie, sur le front européen durant les deux Guerres Mondiales (1914-1918, 1939-1945).

À l’indépendance de l’Afrique, le Sénégal, pays qui compte 94 % de musulmans, élisait à la magistrature suprême un chrétien, Léopold Sedar Senghor, indice d’une grande maturité politique et d’esprit de tolérance. 60 ans après, sous couvert de religion, la compétition bat son plein entre Israël et la Confrérie des Frères Musulmans, au Sénégal, en vue d’assurer une sphère d’influence dans l’arrière cour de l’Europe.
https://www.madaniya.info/2015/02/23/senegal-sous-couvert-de-religion-la-competition-entre-israel-et-les-freres-musulmans-sur-le-plan-politique/

L’islam confrérique, lui-même, n’est plus désormais à l’abri de certaines dérives. Ainsi, les mourides, la plus puissante des confréries du Sénégal, ont constitué un véritable État dans l’État à Touba, leur ville sainte qui compte près d’un million d’habitants. Dans cette « cité radieuse », les cinémas sont interdits, ainsi que la musique non religieuse. Les écoles de la République de ce pays officiellement laïc sont elles aussi interdites. Le football n’a pas davantage droit de cité.

L’Europe n’a jamais pardonné à l’Islam la conquête de la rive méridionale de la Méditerranée et de la rive sud de l’Atlantique. Il n’est pas indifférent de noter que la découverte de l’Amérique en 1492 a été suivie 17 ans plus tard par la conquête du Sénégal, afin de s’assurer de la sécurité de la navigation transatlantique à un moment où la navigation maritime était la principale voie de ravitaillement de la Métropole Europe par les colonies d’Amérique Latine.

Cinq siècles plus tard, la France, en perte de vitesse, opère désormais en tandem avec Israël pour préserver son pré-carré africain. Israël, qui a transposé à l’Afrique son expérience de la colonisation de la Palestine, s’emparant en terre africaine d’une superficie vingt fois supérieure à la surface de la Palestine par des achats de terre en Guinée (Mont Simango), en Sierra Leone au Congo Kinshasa.

Le djihadisme planétaire sous produit de la mondialisation

Le Djihad a pris une dimension planétaire conforme à la dimension d‘une économie mondialisée par substitution des pétromonarchies aux caïds de la drogue dans le financement de la contre révolution mondiale. Dans la décennie 1990-2000, comme dans la décennie 2010 pour contrer le printemps arabe.

Symbole de la coopération saoudo américaine dans la sphère arabo musulmane à l’apogée de la guerre froide soviéto-américaine, le mouvement d’Oussama Ben Laden avait vocation à une dimension planétaire, à l’échelle de l’Islam, à la mesure des capacités financières du Royaume d’Arabie. Si la Guerre du Vietnam (1955-1975), la contre-révolution en Amérique latine, notamment la répression anti castriste, de même que la guerre anti soviétique d’Afghanistan (1980-1989) ont pu être largement financés par le trafic de drogue, l’irruption des islamistes sur la scène politique algérienne, dans la décennie 1990, signera la première concrétisation du financement pétro monarchique de la contestation populaire de grande ampleur dans les pays arabes.

Dommage collatéral de ce rapports de puissance, l’Algérie en paiera le prix, le premier, en ce que ce pays révolutionnaire, allié de l’Iran et de la Syrie, le noyau central du front de refus arabe, évoluait en électron libre de la diplomatie arabe du fait de la neutralisation de l’Égypte par son traité de paix avec Israël et de la fixation de la Syrie dans la guerre du Liban.

Les Islamistes algériens joueront toutefois de la malchance en ce que le déploiement de troupes occidentales, -dont 60 000 soldats juifs américains-, à proximité des Lieux Saints de l’Islam, dans la région occidentale du royaume, à l’occasion de la première guerre anti irakienne du Golfe, en 1990, les placera en porte à faux avec leurs bailleurs de fonds, contraignant leur chef Abassi Madani à prendre ses distances avec les Saoudiens.

Au titre de dommage collatéral, le débarquement des « forces impies » sur la terre de la prophétie constituera le motif de rupture entre Oussama Ben Laden et la dynastie wahhabite.

L’instrumentalisation de l’Islam comme arme de combat politique, en tant qu’anti dote au nationalisme arabe anti américain, dans la foulée de l’incendie de la Mosquée d’Al Aqsa (1969), a entraîne un basculement du centre de gravité du Monde arabe de la rive méditerranéenne vers le golfe, c’est-à-dire des pays du champ de bataille vers la zone pétrolifère sous protectorat anglo-américaine. Avec pour conséquence, la substitution du mot d’ordre de solidarité islamique à celui mobilisateur d’unité arabe ainsi que le dévoiement de la cause arabe, particulièrement la question palestinienne, vers des combats périphériques (guerre d’Afghanistan, guerre des contras du Nicaragua contre les sandinistes), à des milliers de km de la Palestine, et dans l’époque contemporaine à des guerres contre les pays arabes eux-mêmes (Libye, Syrie) ou des pays africains (Nord Mali).

Une analyse de Jean François Bayart sur le salafisme en Afrique

Si le salafisme a le vent en poupe, c’est au même titre que le pentecôtisme est en progression vis à vis de l’église catholique. Celui-ci connaît une très forte expansion dans le golfe de Guinée, ce que l’on oublie souvent de rappeler quand on parle de l’essor du fait religieux en Afrique. Cette combinatoire entre salafisme musulman et pentecôtisme chrétien est particulièrement évidente au Nigeria. De surcroît, en Afrique, l’islam apporte une réponse à des problèmes sociaux. Il permet de dépasser les clivages liés à l’origine des individus. Les poids des castes ou de l’esclavage est encore très prégnant dans toute la région. Au début du XXe siècle, dans certaines régions du Mali, 50% de la population était captive.

L’islam par ailleurs a servi de réponse aux conséquences des politiques d’ajustement structurel des années 1990 qui ont dévasté les systèmes sociaux : l’école et la santé publique en Afrique. Les populations se sont alors retournées vers les institutions de substitution financées par les monarchies du Golfe. La charia a apporté une réponse juridique dans des pays ou des régions confrontés à la corruption, à l’arbitraire ou à l’absence de l’État : Au Nigeria, l’armée et la police sont responsables d’un très grand nombre d’exactions à l’encontre de la population.

Et dans le nord du Mali, une partie des habitants a dans un premier temps accueilli favorablement l’arrivée des groupes islamistes comme Ansar Eddine ou le Mujao.

Au Nigeria, Boko Haram, un mouvement qui s’inscrit dans la tradition millénariste locale, s’appuie sur une base sociale d’anciens esclaves, de populations très pauvres et à demi-lettrées. Ansar Eddine et le Mujao ont été investis par des chefs de lignage touaregs, aussi bien que par des citadins ou des paysans du nord du Mali et par des islamistes mauritaniens. Enfin, dernier et non le moindre des facteurs à l’expansion djihadiste est le business des otages favorisé parles rançons des occidentaux ainsi que le trafic de drogue.

Il est de notoriété publique que la politique de prohibition de la drogue menée par les pays occidentaux a échoué, créant une rente qu’exploitent tout naturellement des opérateurs économiques. Le risque est celui d’une « mexicanisation » ou d’une « colombanisation » de l’Afrique de l’Ouest : des réseaux criminels deviendraient paramilitaires et menaceraient de gangréner l’État, et des mouvements armés se transformeraient en organisations criminelles.

Fin de citation…

Pour en savoir plus sur la thèse de Jean François Bayart :

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/pourquoi-l-islam-et-le-djihadisme-s-etendent-en-afrique_1223646.html#ea66XmMLRciOkybb.9

Une politique de courte de vue engendre des résultats de courte portée… avec de lourdes conséquences sur le long terme. À l’entame du XXI me siècle, le monde musulman, particulièrement sa sphère arabe, est en pleine ébullition. Le terrorisme sous couvert du Djihad est en propagation constante.

Un mouvement pour l’instant reste essentiellement anthropophage en ce que les victimes sont dans leur quasi-totalité des musulmans : un million de morts lors de la guerre Irak-Iran (1979-1989), 100 000 morts en Algérie durant la décennie 1990, 200 000 morts en Irak (2003-2008), davantage encore au Darfour, en Somalie, en Libye, en Syrie, en Égypte, en Irak, au Liban et au Pakistan.

60% des canaux islamistes incitent à la haine et à la violence faisant de l’émetteur un participant actif à l’exacerbation des antagonismes, alors que parallèlement les violations des droits de la presse ont décuplé durant la dernière décennie et qu’une banalisation de l’état d’exception s’est généralisé, selon les indications fournies lors d’un colloque sur « La protection des journalistes en zone de conflit » tenu à Genève le 18 avril 2014 sous l’égide de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme. Face à cette formidable puissance de feu médiatique, au regard de sa propre histoire, le continent ayant fait l’objet de la plus forte dépossession avec l’Amérique latine et l’Océanie, l’Afrique se doit de forger ses propres repères, faire prévaloir son authenticité et sa spécificité, de s’immuniser des dérives mortifères, en guise d’antidote à cinq siècles d’esclavage, de traite négrière, d’exploitation.

Les repentances répétitives sont de peu de valeurs face à une thérapie qui fasse œuvre de prophylaxie sociale. Les blessures de l’Afrique doivent être pansées par elle-même. Le constat de ses troubles de comportement par ses propres fils, de même que ses remugles. Le combat contre l’extrémisme religieux en Afrique passe par un combat pour la réhabilitation de soi, par la réhabilitation par soi même de l’homme africain.

Pour aller plus loin

À propos des relations entre l’Europe et l’Afrique :
http://www.monde-diplomatique.fr/2008/01/RAMONET/15490

http://www.monde-diplomatique.fr/2014/09/BERTHELOT/50757

http://www.ictsd.org/bridges-news/passerelles/news/comment-le-deal-sur-les-ape-en-afrique-de-l%E2%80%99ouest-a-t-il-%C3%A9t%C3%A9-obtenu

Le Monde arabe face au phénomène de la mondialisation :
https://www.madaniya.info/2015/02/09/le-monde-arabe-face-au-phenomene-de-la-mondialisation/

À propos du rôle positif de la décolonisation :

Déconstruction des mythes fondateurs de la grandeur française http://www.renenaba.com/a-propos-du-role-positif-de-la-colonisation/

René Naba

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l'AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l'information, membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme et de l'Association d'amitié euro-arabe. Auteur de "L'Arabie saoudite, un royaume des ténèbres" (Golias), "Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l'imaginaire français" (Harmattan), "Hariri, de père en fils, hommes d'affaires, premiers ministres (Harmattan), "Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David" (Bachari), "Média et Démocratie, la captation de l'imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l'Institut Scandinave des Droits de l'Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l'Association d'amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l'Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l'Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Editorialiste Radio Galère 88.4 FM Marseille Emissions Harragas, tous les jeudis 16-16H30, émission briseuse de tabous. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.

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